L'humoriste québécois André Sauvé et les musiciens de l'Orchestre symphonique de Montréal. | Vivien Gaumand/Juste pour rire

La 35e édition du festival Juste pour rire, qui se tient jusqu’au 30 juillet à Montréal, a eu son moment de grâce. Un pur moment d’intelligence et de drôlerie dont on ressort à la fois joyeux et bouleversé : le nouveau spectacle du Québécois André Sauvé avec l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) a embarqué, vendredi 21 et samedi 22 juillet, les deux mille spectateurs, réunis chaque soir à la Maison symphonique, dans un tourbillon d’émotions et de rires. Le projet fou d’associer un humoriste et un chef d’orchestre avec ses 80 musiciens a abouti à un bijou d’écriture dans un écrin musical.

André Sauvé a gardé son âme d’enfant et une incroyable capacité d’émerveillement. Son humour est existentialiste, philosophique. Depuis son plus jeune âge, l’écoute de la musique classique constitue son refuge, son secret pour s’évader et s’inventer un monde. Dans un coin de sa tête, il caressait depuis longtemps l’idée de faire un show avec un orchestre symphonique. Toutes les bonnes étoiles ont fini par converger pour rendre ce projet possible : sa productrice de Juste pour rire, Lucie Rozon, a toujours cru en l’univers singulier de cet humoriste ; Adam Johnson, chef d’orchestre assistant de l’OSM, a été séduit par l’originalité de la proposition ; et le metteur en scène Pierre Bernard a été conquis par le défi de lier musique classique et texte poético-humoristique.

« Une fois qu’on est né, c’est long à savoir comment ça marche, à devenir ce qu’on doit devenir. Ce qu’on est, on est toujours le dernier à le voir », cogite André Sauvé. Il a nourri des rêves (devenir médecin en Afrique), a longuement voyagé (avec une prédilection pour l’Inde), a tenté des retraites de méditation avant d’embrasser la scène et d’être multirécompensé au Québec pour l’originalité de ses textes. La force de cet humoriste, révélé en 2006 lors d’un gala de Juste pour rire, est sa capacité à poser un regard drôle et profond sur la nature humaine, à explorer la fragilité du monde qui nous entoure (« c’est étonnant comme on ne s’étonne plus ») avec une telle sensibilité et une telle créativité de langage qu’on tombe sous le charme de ce clown de l’âme.

Une petite leçon d’existence

Il faut voir ce génie de l’humour donner une personnalité à chaque instrument, selon l’émotion suscitée par leur son, s’interroger sur ce que parler veut dire quand la musique, elle, nous transporte si loin qu’il n’y a pas de mots pour l’expliquer. André Sauvé trouve toujours les bonnes images pour décrire ce drôle de spécimen qu’est l’humain ; comme son parallèle avec une commode dont chaque tiroir correspond aux différents états qui nous habitent. « On est constamment en train de vivre quelque chose, constamment en train de jouer dans le film qui se joue. » Et la musique qui accompagne son récit illustre à merveille cette palette d’émotions : le menuet de la Suite pour orchestre no 1 de Bach pour l’apparence, l’Adagio d’Albinoni pour l’ennui d’un dimanche qui mouille, etc.

De manière espiègle et joyeuse, André Sauvé nous fait gamberger et nous délivre, mine de rien, une petite leçon d’existence avec sincérité et humanité. Cette exploration de la vie dans tous ses états se marie élégamment avec l’orchestre symphonique, chacun nourrissant l’autre dans une belle complicité.

Partageant sa vie entre le Québec et la France, c’est dans une maison isolée des Hautes-Alpes qu’André Sauvé a écrit ce nouveau spectacle. Ce cadre naturel l’a, sans conteste, formidablement inspiré. Visiblement ému par l’ovation du public, André Sauvé glissait, de retour en coulisse : « Je ne sais plus où mettre ce que je vis. »

Il n’y a plus qu’à espérer que cet excellent spectacle voyagera, à la rencontre d’autres orchestres symphoniques, notamment en France.