La sécheresse s’installe en France. Au 25 juillet, 27 départements français sont en situation de crise, le niveau le plus élevé des niveaux d’alerte sécheresse, selon le site Propluvia, du ministère de la transition écologique et solidaire. Mais la quasi-totalité des départements métropolitains sont concernés à des niveaux différents.

Des arrêtés dans 73 départements

Les préfets peuvent décréter quatre niveaux d’alerte. A la fin juillet, 83 départements avaient pris au moins l’une de ces mesures, à travers 189 arrêtés couvrant tout ou partie de leur territoire :

  • 10 sont en simple « vigilance », incitant simplement les particuliers et professionnels à économiser l’eau ;
  • 32 sont en « alerte simple », avec une limitation de l’irrigation et des usages domestiques (jardin, golf, activité nautique) ;
  • 14 sont en « alerte renforcée » : irrigation interdite plus de 50 % du temps, restrictions plus fortes, voire interdiction de certains prélèvements ;
  • 27 sont en « crise » : tous les prélèvements non prioritaires sont interdits, y compris pour l’agriculture. Seule l’eau potable, et les usages liés à la santé, la salubrité ou la sécurité civile sont autorisés.

Le non-respect de ces mesures de restriction est passible d’une amende de 1 500 euros, doublée en cas de récidive.

Depuis le début du printemps, les déficits d’eau ont d’abord touché la Bretagne, puis le quart nord-ouest de la France – la Charente-Maritime est en crise depuis le 17 avril –, avant de toucher progressivement presque toute la moitié ouest, et quelques départements du Nord-Est.

Une situation préoccupante pour juillet

Si les sécheresses estivales sont fréquentes, le pic est le plus souvent atteint en août ou septembre, mois où la pluviométrie est la plus faible et les réserves en décrue. Le nombre de départements concernés à la mi-juillet rappelle le niveau de 2011, où une sécheresse record avait sévi au début de l’été.

Sur le site Propluvia, qui recense toutes les restrictions depuis 2012, le nombre de départements en situation de « crise » au 24 juillet est le plus élevé depuis six ans. L’année 2015 avait également été préoccupante, alors que 2016 avait été au contraire particulièrement humide, excepté dans le nord-ouest du pays.

Trois quarts des nappes phréatiques en déficit

Si des arrêtés sécheresse ont été pris en si grand nombre, c’est en grande partie à cause de l’état des nappes phréatiques, ou réserves aquifères, qui alimentent les sources en eau potable : près des trois quarts d’entre elles (74 %) étaient à des niveaux bas, voire très bas au 1er juillet, selon le bulletin de situation du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

Les pluies d’automne et d’hiver, les plus efficaces pour recharger les nappes, n’ont pas été suffisantes. Au printemps, les précipitations ont été absorbées par les plantes. Résultat, la quasi-totalité des nappes étaient déjà en situation de basses eaux en juillet. « Cette situation n’est pas totalement inhabituelle pour la période estivale mais elle est tout de même précoce », selon le BRGM.

Les précipitations estivales, absorbées par les plantes ou rapidement évaporées en cas de forte chaleur, n’ont que peu de chance de faire remonter les niveaux des nappes phréatiques.

Le Sud-Ouest régulièrement touché

Les arrêtés de restriction d’eau pris depuis le printemps concernent en premier lieu la façade atlantique et le quart sud-ouest du pays. Ces zones au climat estival chaud sont régulièrement touchées par la sécheresse. Depuis la loi de 1982 sur l’indemnisation des catastrophes naturelles, les préfectures de Haute-Garonne, du Gers, de Charente-Maritime, de Dordogne et du Tarn-et-Garonne ont publié chacun plus d’un millier d’arrêtés de reconnaissance de sécheresse, loin devant les autres départements français. Seuls le Finistère et les Ardennes n’ont jamais été touchés par ces événements exceptionnels.

Attention toutefois, ces arrêtés ne concernent que les dommages causés par les mouvements de terrain liés à la sécheresse et à la réhydratation des sols. Les dilatations et rétractations provoquent des fissures qui endommagent les bâtiments. Pour que les agriculteurs soient remboursés de leurs pertes liées à la sécheresse (mauvaises récoltes, manque de fourrage, mortalité animalière), il faut que l’« état de calamité agricole » soit décrété.

Particuliers, industriels, agriculteurs : qui utilise l’eau en France ?

Les arrêtés pris par les préfectures restreignent voire interdisent l’utilisation d’eau pour trois types d’usage : domestique, agricole et industriel. Mais qui en consomme le plus ?

Chaque année, plus de 30 milliards de mètres cubes d’eau de surface ou souterraine sont « prélevés » dans leur milieu naturel pour être affectés à différents usages. Les plus gros volumes sont utilisés pour la production d’électricité : l’eau est captée et utilisée pour refroidir les réacteurs nucléaires, puis cette eau réchauffée est traitée et décontaminée avant d’être reversée dans la nature. C’est pourquoi, au-delà du tarissement des barrages hydrauliques, la sécheresse prolongée affecte la production d’électricité nucléaire en France. L’alimentation des canaux « utilise » aussi de grandes quantités de liquide en les détournant de leur cours naturel.

En dehors de ces deux grands usages de flux, le reste est utilisé pour moitié par la consommation domestique (ménages et collectivités) et pour moitié par l’industrie, en particulier dans le nord et l’est du pays, et l’agriculture (irrigation notamment dans le Sud-Ouest et le pourtour méditerranéen).

Et si les arrêtés préfectoraux interdisent aux particuliers d’arroser leur jardin, de remplir leur piscine ou de laver leur voiture, le plus efficace serait en réalité de leur demander de se laver moins et de réduire le débit de leur chasse d’eau. En effet, même s’il existe des disparités, le Français moyen consacre près de 60 % de l’eau qu’il consomme pour des usages sanitaires, contre seulement 7 % pour boire et préparer ses repas.