L’économie finlandaise est-elle enfin sortie de sa décennie noire ? L’espoir est permis, car, depuis quelques mois, les signaux positifs se multiplient. Après avoir culminé à 9,4 % en 2015, le taux de chômage s’est stabilisé à 8,9 % en juin, niveau autour duquel il évolue depuis plusieurs mois, selon les chiffres officiels publiés mardi 25 juillet. Mais, sur un an, le nombre de personnes découragées de chercher un emploi a reculé de 1,2 %. En mai, les exportations ont bondi de 27 % sur un an, et le produit intérieur brut (PIB) a progressé de 1,2 % au premier trimestre, son plus fort rythme depuis sept ans.

De quoi convaincre le gouvernement de centre droit de revoir ses prévisions de croissance à la hausse : il table désormais sur 2,4 % en 2017, contre 1,2 % jusque-là. « Elle pourrait même grimper jusqu’à 3 % : 2017 sera excellente, se réjouit Olli Kärkkäinen, économiste à la banque Nordea, à Helsinki. La parenthèse difficile est enfin derrière nous. Elle fut très longue. »

C’est peu dire. En 2008, lorsque la zone euro plonge en récession, le pays nordique fait déjà face au dramatique effondrement de son industrie électronique, incarnée par la chute du géant Nokia. « Se sont ajoutées à cela la récession de notre voisin russe et les difficultés de notre industrie forestière », détaille Pasi Kuoppamäki, chef économiste à Danske Bank, dans la capitale.

Consommation des ménages et construction

Une triple choc dont Helsinki peine à se remettre. Après le violent plongeon de 2009 (– 8,3 %), l’économie finlandaise redémarre timidement, avant de retomber en récession en 2012 pour trois longues années. Après une croissance nulle en 2015, le PIB rebondit enfin en 2016 (1,9 %). « Aujourd’hui, notre économie est bien plus équilibrée qu’autrefois, lorsqu’elle dépendait bien trop de Nokia », analyse Heidi Schauman, chef économiste chez Aktia Bank.

De fait, l’activité des derniers mois a été tirée par la consommation des ménages et la construction. Les exportations vers la Russie, sortie de récession, sont reparties. Tout comme celles vers le reste de l’Union européenne. « Et toutes nos industries en profitent : papier, machines-outils, pharmacie et, bien sûr, le secteur des nouvelles technologies, qui s’est transformé en profondeur », précise Vesa Vihriälä, directeur de l’Institut de recherche sur l’économie finlandaise (ETLA).

Le temps a fait son travail, et le tissu industriel a lentement pansé ses plaies. Les ingénieurs et techniciens qui avaient perdu leur emploi chez Nokia et ses fournisseurs ont, peu à peu, retrouvé un poste. Certains ont lancé des start-up. « Ce transfert de savoir a pris du temps, mais il a profité à l’écosystème d’innovation », souligne Timo Hirvonen, chef économiste du gestionnaire d’actif finlandais FIM.

En pointe sur les technologies de la santé

Désormais, le pays est ainsi en pointe sur les technologies de la santé, qui ont pesé 2,1 milliards d’euros en 2016, soit la moitié des exportations de hautes technologies. Et il se targue d’attirer des entreprises comme Rolls-Royce, qui a annoncé en mars la création d’un centre de recherche et développement consacré au navire autonome à Turku, au sud du pays.

Au reste, « les entreprises ont fait de gros efforts pour maîtriser leurs coûts de production, afin de regagner des parts de marché », ajoute Antti Aumo, de l’agence Invest in Finland, chargée d’attirer les investissements étrangers. Ces efforts ont culminé mi-2016 avec la signature d’un douloureux « pacte de compétitivité ». Il s’est traduit par une hausse du temps de travail sans compensation et par un gel des salaires jusqu’à fin 2017.

Si la page de Nokia est enfin tournée, les perspectives de long terme restent néanmoins préoccupantes. Comme l’ensemble des pays industrialisés, Helsinki doit faire face à l’inquiétant ralentissement de la productivité. Mais aussi au vieillissement de sa population (5,5 millions d’habitants) doublé du déclin de la natalité. Sur les cinq premiers mois de l’année, le taux de natalité a reculé de 7 % par rapport à la même période en 2016, selon les statistiques officielles. A ce rythme, le nombre de naissance en 2017 pourrait tomber sous la barre des 50 000. Du jamais-vu depuis la famine qui frappa le pays en 1868. « Cela interroge sur la pérennité de notre modèle social, conclut Mme Schauman. Nous devrons le réformer afin d’en assurer le financement sur le long terme. »