Des manifestants, rassemblés à proximité de la Cour suprême à Varsovie, protestent contre le projet de réforme de la justice, le 25 juillet. | KACPER PEMPEL / REUTERS

Bruxelles a encore durci le ton mercredi 26 juillet contre la Pologne, se disant « prête à déclencher immédiatement » la procédure pouvant suspendre ses droits de vote dans l’Union européenne, en cas de révocation des juges de la Cour suprême du pays.

La Commission européenne avait lancé une première salve d’avertissements la semaine précédente, en demandant la suspension des réformes controversées de la justice du gouvernement conservateur polonais, accusées de menacer l’indépendance de la justice et contestées par des manifestations massives.

« Des choses ont changé en Pologne » depuis, a admis le vice-président de la Commission, Frans Timmermans, en référence au veto inattendu qu’a utilisé lundi le président Andrzej Duda, issu du parti au pouvoir. Mais les préoccupations de l’exécutif européen sont loin d’être éteintes, a prévenu M. Timmermans, inquiet de voir certaines mesures controversées réapparaître dans les prochaines versions des lois bloquées par le veto présidentiel.

L’article 7, « l’arme nucléaire » de l’UE

Concernant en particulier la réforme de la Cour suprême, il a demandé « aux autorités polonaises de ne prendre aucune mesure pour révoquer ou mettre à la retraite forcée les juges de la Cour suprême ». « Si une telle mesure est prise, la Commission est prête à déclencher immédiatement la procédure de l’article 7 », a averti M. Timmermans.

Cet article du traité de l’UE, qui n’a encore jamais été utilisé, est souvent décrit comme « l’arme nucléaire » dans la panoplie de mesures que peut prendre l’Union contre l’un de ses membres. Au terme d’une procédure complexe, il peut déboucher sur une suspension des droits de vote d’un pays au sein du Conseil de l’Union, l’instance regroupant les 28 Etats membres.

La Commission a donné mercredi un mois à la Pologne pour répondre à une nouvelle « recommandation » contre les risques pesant sur l’Etat de droit, l’une des valeurs fondamentales de l’UE. L’exécutif européen a par ailleurs annoncé qu’il allait déclencher une procédure d’infraction – une mesure plus habituelle, pouvant mener à des sanctions financières – contre Varsovie, dès la publication officielle de sa nouvelle loi sur l’organisation des juridictions de droit commun, contre laquelle le président polonais n’a pas usé de son droit de veto. Selon Bruxelles, cette réforme des tribunaux ordinaires contient des mesures discriminatoires, avec des âges différents de départ à la retraite pour les hommes et les femmes.

Varsovie dénonce un « chantage »

Les menaces européennes ont rapidement fait réagir le porte-parole du gouvernement polonais, Rafal Bochenek :

« Nous n’accepterons aucun chantage de la part des fonctionnaires de l’UE, en particulier un chantage qui n’est pas fondé sur des faits. Toutes les lois préparées par le Parlement polonais sont conformes à la Constitution et aux règles démocratiques. Nous regrettons que M. Timmermans, ne connaissant pas les projets de loi et la législation polonaise, formule une critique injuste envers la Pologne. »

De son côté, le vice-ministre des affaires étrangères chargé des affaires européennes, Konrad Szymanski, a déclaré que « la Commission européenne devrait prendre en compte à un degré plus important dans ses délibérations le fait que l’organisation de la justice relève de la compétence des Etats membres, qui prennent leurs propres décisions dans le cadre de leur propre processus politique et législatif ».

Le président Andrzej Duda a créé la surprise en mettant lundi son veto à deux lois visées par Bruxelles, l’une portant sur la Cour suprême, et l’autre sur le Conseil national de la magistrature, prévoyant que ses membres seront désormais choisis par le Parlement. Les deux lois devront être renvoyées devant le Parlement et il faudrait une majorité des trois cinquièmes, que le parti Droit et Justice (PiS, au pouvoir) n’a pas, pour les adopter sous leur forme actuelle.

Irrités par le veto présidentiel, les dirigeants nationalistes du PiS ont signifié qu’ils n’avaient pas l’intention de faire machine arrière, malgré les appels venus de la rue, de Bruxelles et de Washington.