Dane DeHaan et Cara Delevingne dans « Valérian », de Luc Besson. | DANIEL SMITH

L’avis du « Monde  » – On peut éviter

Pour comprendre qui sont Valérian et sa copine Laureline, on se reportera aux bandes dessinées de Pierre Christin et Jean-Claude Mézières. L’adaptation qu’en propose Luc Besson, elle, ne fournit guère d’explications, ni sur la mission des deux « agents » ni sur le pouvoir qui les emploie.

Valérian et la cité des mille planètes, film que le réalisateur présente comme son grand œuvre, les suit deux heures durant dans une course dans la galaxie, jouant à saute-planète, zigzaguant entre les univers parallèles, engloutissant des ­années-lumière l’air détaché en devisant de leurs vacances…

Lui (Dane DeHaan) ressemble à Tintin. On nous prie d’accepter le fait qu’il est un « bad boy », séducteur impé­nitent. Elle (Cara Delevingne, célèbre top ­model qui donne le la d’un casting ultrapeople) est cette aventurière typiquement bessonnienne, descendante d’Héléna (Isabelle Adjani), dans Sub­way, de Nikita ou encore de Lucy. La personnalité en moins. Elle n’a pour exister que son joli minois et les quelques lignes de dialogues téléphonés dont on a bien voulu la gratifier – pour mettre le héros en demeure de vaincre cette peur de l’engagement qu’auraient tous les garçons.

Syncrétisme neuneu

Au service d’un « gouvernement des ­humains », dont le représentant (Herbie Hancock) leur communique des instructions par écran interposé, ils cherchent de précieuses perles mauves au pouvoir régénérant, que se disputent divers potentats de la galaxie.

Au passage, ils désamorcent des bombes, se retrouvent suspendus au-dessus du vide intergalactique quand ils ne sont pas offerts en festin à des pachydermes friands de cervelle humaine, plongés au fond des océans en compagnie d’un vieux loup de mer incarné par Alain Chabat, ou encore happés dans un peep-show où une ­extraterrestre, jouée par Rihanna, se livre à un numéro de pole dance transformiste…

Sans doute est-il question de sauver les survivants d’un génocide qui aurait décimé 6 millions d’âmes sur une planète semblant sortie d’une sorte de Mario Kart croisé avec My Little Pony.

Avant de voir surgir dans le ciel de leur paradis en toc l’armada de vaisseaux qui devaient les décimer, les victimes, créatures longilignes aux mœurs pacifistes, vivaient dans un bain d’innocence. Sourire béat sur le visage, elles n’aimaient rien tant que secouer leurs bras dans de grands moulinets et s’échanger des politesses sucrées. En regard de ce syncrétisme neuneu, la guerre, se dit-on entre deux bâillements, paraît un moindre mal.

Luc Besson ne s’intéresse qu’à une chose : la multiplication des tableaux où évoluent ses personnages. Puisant ses références dans tout le cinéma de science-fiction (Star Wars, Blade Runner, Star Trek, Avatar, The Edge of Tomorrow, Total Recall, tout y passe) et même plus (une touche de James Bond, un zest de Ziggy Stardust, mâtiné de Starmania…), il bourre son film de tout ce qui lui passe par la tête.

Au-delà de l’amour pour le bling tendance années 1980 qu’elle révèle, cette profusion bigarrée a quelque chose de triste. La vitesse est au rendez-vous, mais pas le rythme. Les tentatives de gag tombent à plat. Les décors, aussi variés soient-ils, sont comme interchangeables, surfaces glissantes où les yeux ne se fixent pas.

Laissant ses personnages à l’état de figures, ses situations à l’état d’esquisses, Besson n’a pas su combler le vide entre les cases de la bande dessinée. Le ­récit, la chair, la vie, font défaut.

VALERIAN Bande Annonce VF OFFICIELLE 4K (Science Fiction, Luc Besson)

« Valérian et la cité des mille planètes », film français de Luc Besson. Avec Dane DeHaan, Cara Delevingne, Clive Owen, Herbie Hancock, Rihanna (2 h 18). Sur le Web: valerianmovie.com, www.facebook.com/valerianlefilm