Incendie au Cap Lardier, entre La Croix Valmer et Ramatuelle (Var), le 25 juillet 2017. | Stéphane Mandard pour Le Monde

L’été va coûter cher. En surfaces consumées par les incendies – plus de 10 000 hectares, jeudi 27 juillet –, mais aussi en euros. La multiplication des feux, dans le sud-est de la France, fait exploser les budgets, confie le lieutenant-colonel Michaël Bernier, responsable de la communication à la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC).

« Nous avons effectué 2 400 largages lors de la saison passée et nous en sommes [jeudi] déjà à plus de 5 000. De 800 heures de vol en 2016, nous sommes passés à 2 000. Nous avons déjà dépensé tout le budget prévisionnel », détaille-t-il. Le stock de produit retardant, qui permet de freiner la progression du feu, a par exemple déjà été consommé : dans la seule journée de mardi, 110 tonnes ont été utilisées, alors que pour l’ensemble de la saison de l’an dernier, le total avait atteint 1 000 tonnes. Et, à 2 000 euros la tonne, le budget explose.

« En un mois de saison de feu, nous avons consommé tout le stock pour l’année et nous ne sommes pas encore en août. L’année est assez difficile », a expliqué mardi sur Europe 1 Stéphane Bouillon, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA). Un propos alarmant tempéré par le lieutenant-colonel Bernier, qui précise que ces produits sont fabriqués à la demande et qu’il n’y aura pas de rupture de stock.

Autre pénurie, les pompes de carburant ont dû être réapprovisionnées par l’armée, précise la préfecture du Var. Des dizaines de véhicules de secours sillonnent les routes de la région méditerranéenne. « Les renforts sont venus de nombreux départements dans la région méditerranéenne : dix-neuf colonnes [une colonne est constituée de trois groupes de trente pompiers] étaient sur place, mercredi soir, soit plus de 1 700 personnels venus en aide, dont 160 en renfort urbain pour soulager les pompiers locaux, sur les accidents, etc. », avance M. Bernier.

« La première minute, un verre d’eau est nécessaire »

L’année 2017, sur le front des incendies, va donc être exceptionnelle. « Nous avons eu un départ de feu toutes les dix minutes, entre 11 heures et 13 heures, mercredi, c’est énorme ! », témoigne encore un cadre de la sécurité civile. Le principe d’attaque massive, mis en œuvre au début des années 1990, impose d’envoyer tous les moyens disponibles sur chaque départ de feu et de le circonscrire à un hectare. « Un feu qui dépasse un hectare a de grandes chances de dépasser 100 hectares, sachant qu’un front de flammes avance à 4 km/h environ. Quand les vents sont violents, que le feu avance à 8 km/h, on ne peut quasiment plus rien », énonce M. Bernier. Autrement formulé dans un dicton des sapeurs-pompiers : « La première minute, un verre d’eau est nécessaire, la deuxième, c’est un seau d’eau, après, on ne sait plus. »

Les superficies consommées, si elles ont baissé de plus de la moitié en quarante ans, ont à nouveau tendance à augmenter depuis quatre ans, selon les données du ministère de l’intérieur auquel est rattachée la DGSCGC : 3 232 hectares en 2013, 7 440 hectares un an plus tard, 11 160 hectares en 2015 puis 16 100 en 2016. Cette année, le cap des 10 000 hectares est déjà franchi alors que le mois d’août n’a pas commencé.

Jeudi en fin d’après-midi, selon le bilan de la préfecture du Var – département le plus touché par les feux de ces derniers jours –, les trois feux actifs depuis le début de la semaine, à savoir La Croix-Valmer, Artigues et Bormes-les-Mimosas, avaient brûlé à eux seuls plus de 3 500 hectares.

Sans anticiper sur la météorologie de l’été prochain, les conditions climatiques, avec le réchauffement qui entraîne des périodes de sécheresse et de chaleur plus intenses et plus longues, ne pourront qu’aggraver la situation. Le lieutenant-colonel Bernier en témoigne déjà : « Nous nous sommes rendu compte que le risque incendie remonte vers le nord chaque année d’une quarantaine de kilomètres en moyenne et que la surveillance aérienne se fait déjà 250 km plus haut ».

Les budgets des collectivités territoriales risquent de s’en ressentir, ceux des communes touchées ainsi que ceux des départements qui financent en grande partie les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS).

Double peine financière

Dans le Var, les autorités pointent l’accumulation de risques et une forme de double peine. Les terrains incendiés vont désormais moins bien retenir les eaux de pluie et les phénomènes d’inondation qui touchent régulièrement le département, dès le début de l’automne, seront encore plus redoutés cette année. Alors que les diagnostics n’ont pas encore été effectués, le département estime déjà à 600 000 euros supplémentaires le montant des interventions d’urgence, sur les zones incendiées, pour installer des fascines, sortes de fagots de bois ou d’osier, afin de retenir les sols et de limiter le ravinement.

Cette somme va s’ajouter aux quelque 7,5 millions d’euros dépensés par le département en matière de protection de la forêt et aux 50 millions de participation au budget du SDIS. De quoi irriter le président du conseil départemental (Les Républicains) du Var, Marc Giraud, sapeur-pompier pendant vingt-cinq ans à Toulon, aujourd’hui à la retraite, qui voudrait revoir les règles de la péréquation entre départements.

« Sans remettre en cause le principe de solidarité nationale, il faudrait que les risques majeurs encourus par les départements soient pris en compte. Le Var, souvent victime d’inondations spectaculaires et d’incendies extrêmes, pourrait voir sa contribution baisser et agir ainsi plus efficacement pour faire face à ces catastrophes. Il faudrait surtout que cet argent de la péréquation reste dans la région PACA afin qu’on puisse l’utiliser en cas de besoin », martèle M. Giraud.