Les Décodeurs répondent à vos questions sur les vaccins

L’annonce du gouvernement du passage de trois à 11 vaccins obligatoires en 2018 relance le débat sur la vaccination. Pour vous aider à y voir plus clair entre questions légitimes et fausses informations, Les Décodeurs proposent plusieurs analyses sur le sujet :

VOTRE QUESTION

Plusieurs internautes nous ont interpellés au sujet d’une vidéo censée donner le témoignage « choc » d’un thérapeute suisse qui défend des médecines alternatives, Christian Tal Schaller, opposant à la vaccination. Son intervention, d’une vingtaine de minutes, a été publiée pour la première fois sur la page Facebook de l’intéressé en juillet 2014. Mais elle a surtout été visionnée des millions de fois sur Facebook et YouTube ces dernières semaines, notamment depuis sa diffusion, le 28 juin, par la page Touche pas à mon gosse (qui nous apparaît peu fiable dans le Décodex).

La thèse centrale de cette vidéo est que les vaccins comporteraient plus de dangers que de bénéfices, car ils détruiraient nos défenses immunitaires, comme le résume son auteur :

« Les vaccins font s’effondrer l’immunité. Les vaccins baissent l’immunité des gens. Donc, tôt ou tard, ils vont être deux fois plus malades que ceux qui ne sont pas vaccinés. Et aujourd’hui, beaucoup d’études le prouvent. Quand on ne vaccine pas des enfants, ils sont en bien meilleure santé que ceux qui sont vaccinés. »

Pire même, les vaccinés seraient en réalité davantage frappés par les maladies ciblées par les vaccins en cas d’épidémie, selon M. Schaller, qui ironise : « C’est quand même gênant pour la vaccinologie. » Pourtant, ces allégations sont largement démenties par les études sur le sujet. Explications.

NOTRE RÉPONSE : C’EST FAUX

1. Les vaccins protègent contre les maladies qu’ils ciblent

« Si l’on n’a pas reçu les vaccins, on est beaucoup plus exposé aux maladies qu’ils ciblent », rappelle Patrick Zuber, responsable de l’équipe sécurité des vaccins à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Certains opposants à la vaccination tentent pourtant de la discréditer en affirmant, par exemple, que l’incidence des pathologies visées par les vaccins a commencé à diminuer bien avant l’introduction de ces derniers, notamment grâce à l’amélioration des conditions d’hygiène et la hausse du niveau de vie.

Certes, les facteurs de ce type contribuent à une meilleure santé. Mais les vaccins jouent un rôle décisif pour faire réellement chuter le nombre de malades atteints des pathologies concernées, voire les éradiquer lorsque la couverture vaccinale est suffisante (le taux de population vaccinée peut différer selon les cas, mais le ministère de la santé français fixe un objectif global d’une couverture de 95 % de la population). Une bonne couverture vaccinale permet également d’éviter des épidémies, avec une explosion ponctuelle du nombre de malades.

A ce titre, deux types de données attestent l’efficacité des vaccins :

D’abord, les études qui montrent, sur un temps long, la chute du nombre de patients atteints par une pathologie, à mettre en perspective avec les années d’introduction des vaccins. C’est, par exemple, ce qu’a fait une étude publiée dans le New England Journal of Medecine en 2013, à partir des données sur la population américaine de 1888 à 2011 sur 56 maladies infectieuses (les données sont consultables ici et des visualisations concernant huit pathologies visées par les vaccins ont été publiées ici).

L’autre approche consiste à observer ce qui se produit en cas de chute de la couverture vaccinale contre une pathologie. Ainsi, comme l’explique le site de l’OMS, on a pu constater au Royaume-Uni qu’une chute du nombre de personnes vaccinées contre la coqueluche à partir de 1974 avait engendré une forte épidémie dans les années qui ont suivi (100 000 cas et 36 morts en 1978). Au Japon, à la même époque, les mêmes causes ont conduit à une hausse de 393 cas en 1974 à 13 000 en 1979, le nombre de morts passant de zéro à 41.

2. Les vaccins ne fragilisent pas les défenses immunitaires

Les craintes selon lesquelles les vaccins affaibliraient l’immunité ne sont pas étayées. « Aucune indication ne montre que les enfants vaccinés seraient plus exposés à d’autres pathologies que les non-vaccinés », tranche Patrick Zuber, de l’OMS.

Contrairement à certaines idées reçues, les nouveau-nés sont de toute façon exposés aux maladies en l’absence de vaccination. Ils ont heureusement des ressources immunitaires pour lutter contre. Les vaccins, conçus pour stimuler le système immunitaire à partir d’un faible nombre d’antigènes, sont loin de représenter un fardeau pour les organismes, même ceux des bébés : une étude américaine publiée en 2002 a montré qu’ils ne mobilisent pas plus d’un lymphocyte (nos cellules immunitaires) sur dix mille chez l’enfant. Ce qui veut dire, selon eux, que chaque individu disposerait en théorie des ressources pour répondre correctement à 10 000 vaccins à la fois.

Comme le notait l’OMS dans un document publié en 2006, l’hypothèse selon laquelle les vaccins, tels qu’on les utilise aujourd’hui, affaibliraient ou endommageraient le système immunitaire n’est pas accréditée par les faits. On peut citer au moins trois études indépendantes rassurantes en ce sens :

3. Les vaccins peuvent engendrer des réactions indésirables, mais il faut les mettre en perspective avec leurs bénéfices

Comme tout traitement médical, les vaccins peuvent engendrer des effets secondaires. La plupart sont temporaires et bénins, mais il existe aussi des effets secondaires graves, bien qu’extrêmement rares. Par exemple, les réactions allergiques provoquant des chocs anaphylactiques se produisent dans environ 3,5 à 10 cas pour 1 million de doses du vaccin ROR (rougeole, oreillons et rubéole) injectées, selon l’OMS.

C’est cette mise en perspective des « bienfaits » et des « dangers », la balance bénéfices/risques, qui aboutit au consensus en faveur de l’intérêt de la vaccination dans la communauté scientifique. Situation qui n’interdit pas de s’interroger sur la composition des vaccins ou les calendriers de vaccination. Certaines hypothèses à l’étude sur l’utilisation de l’aluminium vaccinal, qui restent à démontrer, explorent ainsi de possibles risques pour certains profils génétiques très particuliers.

« L’essentiel de notre travail est de documenter les réactions non désirables aux vaccins pour développer des moyens de diminuer ces risques », explique Patrick Zuber, de l’OMS. L’un des défis de la politique vaccinale aujourd’hui est, selon lui, de convaincre l’opinion publique du bien-fondé des vaccins pour des pathologies qui ont disparu, ou presque, des pays développés grâce à ceux-ci. Dans un cas comme celui de la poliomyélite, par exemple, le risque est de ne retenir que les effets indésirables des vaccins, en oubliant les conséquences qu’une chute de la couverture vaccinale aurait avec la réapparition de la maladie, comme on a pu l’observer au Royaume-Uni ou au Japon avec la coqueluche par le passé.

Toutes ces craintes au sujet des vaccins ne doivent pas être sous-estimées. Comme le notaient des chercheurs britanniques dans une étude publiée en 2006 dans Vaccine, l’une des clés pour convaincre les parents du bien-fondé de la vaccination, selon eux, réside dans une bonne information sur les risques posés par les maladies ciblées par les vaccins, mais aussi sur les risques associés aux vaccins et sur leurs effets sur l’organisme.

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