Magazine sur France 2 à 22 h 55

Les anniversaires ont parfois du bon. Ainsi le tricentenaire de la naissance, le 13 mai 1717, de Marie-Thérèse, fille de l’empereur Habsbourg Charles VI et mère – entre autres, puisqu’elle eut seize enfants – de « notre » Marie-Antoinette, permet-il aux Autrichiens de commémorer une souveraine dont le règne (1740-1780) fut aussi long que décisif pour une nation menacée au cœur de l’Europe des Lumières.

Accédant au trône après le décès inopiné de son père, la jeune archiduchesse de 23 ans n’a nullement été préparée à la conduite de la mosaïque d’Etats qui lui échoie. Un comble quand on sait que c’est par un texte visant explicitement à exclure de la succession tout autre héritier que ses propres rejetons (la Pragmatique sanction fut signée dès 1713) que Charles lui garantit la couronne.

Avec une volonté farouche, la jeune reine de Hongrie – un trône auquel son sexe lui permet de prétendre, puisqu’elle y est tenue pour « roi » – va s’attacher à maintenir un patrimoine que ses voisins, parents ou non, lui contestent, le trône impérial ne pouvant être dévolu à une fille. Au terme d’une guerre européenne qui se solde par la perte de la riche Silésie, dévorée par Frédéric de Prusse, Marie-Thérèse parvient à faire couronner son époux, François-Etienne de Lorraine. De fait, c’est elle qui exercera pendant quarante ans un pouvoir absolu sur le Saint Empire romain germanique, sans avoir jamais, en droit, le titre d’impératrice.

Fécondité incroyable

Dans le sillage du livre enflammé d’Elisabeth Badinter, Le Pouvoir au féminin (Flammarion, 2016), le magazine de Stéphane Bern pare la femme d’Etat de bien des vertus. Si l’on ne peut que lui reconnaître une habileté politique certaine, une vision aiguë d’administratrice au prix d’un travail forcené – elle écrit sans cesse, annote tout, ne néglige rien –, en faire celle qui invente une autorité au féminin tient du parti pris, les reines anglaises ou castillanes avant elle, comme les tsarines ses contemporaines, démentant ce propos.

Reste que par sa gestion d’une fécondité incroyable, elle mit au point une stratégie matrimoniale qui la programmait, avant Victoria, pour être la « grand-mère de l’Europe ». Une vision implacable qui explique que, pour les Français, la femme de Louis XVI ne fut bientôt plus que l’« Autrichien­ne ». Avec les conséquences funestes que l’on sait.