Le premier ministre italien, Paolo Gentiloni, à Rome, le 27 juillet. | MAX ROSSI / REUTERS

La scène avait l’air parfaitement chorégraphiée. Formellement, la proposition a été lancée par le premier ministre libyen, Faïez Sarraj, mercredi 26 juillet, à Rome, et reprise au bond par le chef du gouvernement italien, Paolo Gentiloni, aussitôt soutenu par la chancelière Angela Merkel : il s’agirait d’accueillir bientôt des navires italiens à l’intérieur des eaux militaires libyennes pour épauler les gardes-côtes dans leurs activités de secours des migrants. Pour l’heure, seule la marine libyenne est autorisée à opérer à moins de 12 milles des côtes. Selon la presse italienne, une opération impliquant un navire amiral et cinq bateaux auxiliaires, soit un millier d’hommes assistés d’avions et de drones, aurait déjà été planifiée.

A l’heure actuelle, la situation est particulièrement confuse dans cette zone, les gardes-côtes libyens semblant s’acquitter de leur mission de contrôle de façon assez erratique, quand ils ne sont pas accusés de complicité avec les passeurs ou de mauvais traitements sur les candidats à l’exil. La stratégie européenne visant à équiper les gardes-côtes libyens de vedettes flambant neuves offertes par Rome, qui devait, au mois de mai, mettre un terme aux départs des côtes libyennes, a, elle aussi, montré son inefficacité. Le flux de départs ne s’est pas ralenti : depuis le 1er janvier, ce sont plus de 95 000 personnes qui ont été secourues dans les eaux internationales, soit 16 % de plus qu’en 2016 à la même période. Au moins 2 300 personnes ont perdu la vie en tentant la traversée.

« Traitement horrible »

Ces derniers mois, les ONG humanitaires ont été régulièrement accusées d’enfreindre l’interdiction de pénétrer dans les eaux libyennes, et de se poster au plus près des côtes, facilitant ainsi le travail des trafiquants d’êtres humains qui n’avaient plus qu’à lancer des barques surpeuplées en direction du large, sans se soucier outre mesure de la suite. Une présence de la marine italienne aurait pour mérite de clarifier les choses, mais elle n’aurait de sens que si les migrants pouvaient être ramenés en lieu sûr en Libye, ce qui parait tout à fait impossible dans un pays morcelé, en proie aux milices, et où le gouvernement de Tripoli n’exerce qu’un contrôle théorique sur des régions entières.

En ce sens, le projet d’assistance de la marine italienne risque de se heurter au problème de la décomposition de l’Etat libyen. Pour Judith Sunderland, directrice associée pour l’Europe et l’Asie Centrale à Human Rights Watch : « Compte tenu du traitement horrible des migrants en Libye, il est difficile d’imaginer comment un gouvernement européen, quel qu’il soit, pourrait y débarquer qui que ce soit ou remettre des personnes entre les mains des autorités libyennes, tout en protégeant leurs droits. »