Le premier ministres suédois, Stefan Löfven, à Stockholm, le 27 juillet. | TT NEWS AGENCY / REUTERS

L’affaire qui vient de provoquer, jeudi 27 juillet, la démission de deux ministres sociaux-démocrates en Suède, et n’a pas fini de faire des vagues, aurait dû survenir n’importe où sauf dans ce royaume scandinave. La Suède est en effet l’un des pays les plus performants au monde s’agissant de technologies de l’information, avec quantité d’experts de haut niveau et une multitude de sociétés d’avant-garde dans les domaines des cybertechnologies.

C’est pourtant là qu’en 2014 l’Agence publique des transports décide d’externaliser la gestion de ses services informatiques, comprenant notamment les registres des permis de conduire et des véhicules. IBM remporte le contrat en avril 2015. Le travail atterrit chez des sous-traitants dans divers pays d’Europe orientale, Serbie, République tchèque, Roumanie. Consultés, les services de renseignement suédois recommandent fin 2015 l’arrêt immédiat du contrat, d’autant que les techniciens de ces pays n’ont pas reçu d’habilitation de sécurité. Malgré cela, le feu vert est donné, la directrice générale allant jusqu’à contrevenir à trois lois pour accélérer le processus.

La suite est une succession de révélations plus embarrassantes les unes que les autres qui éclatent depuis trois semaines dans les médias, d’autant que la crainte est grande que les identités d’officiers de renseignement et de personnes vivant sous identité cachée aient pu arriver entre des mains indélicates. Cette affaire touchant à des domaines sensibles, la plupart des informations sont classifiées. En dépit des critiques indignées, le public ignore tout à ce jour des éventuels dégâts et conséquences de cette fuite monumentale qui a déjà coûté leur poste à plusieurs hauts fonctionnaires et désormais à deux ministres.

Vote de défiance

L’opposition n’a pas manqué de profiter de l’affaire pour attaquer le gouvernement minoritaire de Stefan Löfven, arguant que des ministres n’avaient pas pris les mesures nécessaires à temps. Mercredi, la droite a menacé d’un vote de défiance à l’égard de trois ministres, ceux des transports, de la défense et de l’intérieur. Ce dernier, Anders Ygeman, est même cité comme probable successeur de Stefan Löfven. Avec le soutien de l’extrême droite, une majorité au Parlement était réunie pour faire tomber les trois ministres. Stefan Löfven a pris les devants en annonçant, jeudi, la démission des ministres des transports et de l’intérieur, mais le maintien de celui de la défense. Les responsables de l’opposition ont déclaré jeudi soir qu’ils maintenaient le vote de défiance vis-à-vis du ministre de la défense, vote qui aura lieu lors de la reprise de la session parlementaire en septembre.

A un an des prochaines législatives, l’opposition de droite ne semble pas en mesure de former un gouvernement. Les quatre partis de droite (39,43 % ensemble aux législatives de 2014) sont divisés sur l’attitude à adopter par rapport à l’extrême droite (Démocrates de Suède, SD, 12,86 %). Comme le camp gouvernemental (43,62 % en 2014), ils sont donc actuellement incapables d’obtenir une majorité sans elle. Le Parti conservateur, principal parti parmi les quatre qui constituent l’alliance de droite, a en outre beaucoup baissé dans les sondages après avoir déclaré qu’il pouvait imaginer travailler avec SD. Dans le même camp, les partis centristes et libéraux excluent toute coopération avec l’extrême droite. A la tête d’un gouvernement minoritaire, la droite serait soumise aux mêmes exercices d’équilibristes que la coalition actuelle social-démocrate et verte.

Un aspect de l’affaire est étrangement peu discuté pour l’instant, à savoir à quel point le pays s’est engagé, depuis la fin des années 1980, dans la déréglementation et dans l’externalisation des services publics. La Suède a été l’un des premiers pays d’Europe à s’engager au pas de charge dans la voie de la déréglementation, au nom d’une ouverture à l’international vue comme une nécessité absolue pour un petit pays très dépendant de ses exportations. Dans l’affaire actuelle, le processus avait été engagé sous le précédent gouvernement de droite, mais sur ces questions, les sociaux-démocrates suédois sont sur la même ligne.