Culturebox à la demande

Claudio Monteverdi, L'Orfeo (Sir John Eliot Gardiner/Monteverdi Choir & Orchestras)

Ainsi que le dit de manière involontairement cocasse Culturebox, le site Internet culturel de France Télévisions : « En 2017, Monteverdi aurait fêté ses 450 ans. » Si l’on ignore les effets qu’auraient pu produire la cryogénisation sur le corps et le retour parmi nous du grand compositeur italien, on peut cependant dire que sa musique tient le coup comme au premier jour.

L’Orfeo (1607), Le Retour d’Ulysse en sa patrie (1639) et Le Couronnement de Poppée (1643), les trois seuls opéras complets parvenus jusqu’à nous (d’une Arianne, de 1608, ne subsiste que le fameux Lamento), sont de la main d’un génie qui, de l’aube au mitan du XVIIe siècle, donna à l’opéra ses premiers « classiques ».

Claudio Monteverdi, la naissance de l'opéra avec Sir John Eliot Gardiner

Le Monteverdi Choir, que le jeune chef de chœur britannique John Eliot Gardiner – qui n’était pas encore « Sir John Eliot » – avait fondé en 1964 à Cambridge, avait donné comme concert inaugural Les Vêpres de la Vierge (1610), signées également par le compositeur, dont ce chœur d’élite a pris le nom.

Cette partition foisonnante et géniale – une sorte d’opéra sacré, si l’on veut – est restée au répertoire du Monteverdi Choir, et, en cette année d’anniversaire du compositeur, elle est aussi donnée, avec les trois œuvres scéniques, au cours d’une longue tournée internationale qui mène les musiciens britanniques d’Aix-en-Provence (au Festival de Pâques, en avril) à New York (en octobre), après une halte à la Philharmonie de Paris, du 16 au 18 septembre.

France Télévisions a fait filmer les trois opéras alors qu’ils étaient donnés au Théâtre de la Fenice de Venise, du 16 au 21 juin. L’équipe de solistes réunie par John Eliot Gardiner est bonne, particulièrement le ténor polonais Krystian Adam (qui se tire aisément des redoutables traits virtuoses de la scène infernale d’Orfeo) et la jeune mezzo-soprano (voire alto) française Lucile Richardot, poignante Messagère et Arnalta (un rôle d’ordinaire chanté par un homme travesti), respectivement dans Orfeo et Le Couronnement de Poppée.

"L'Orfeo" de Monteverdi - Extrait @ Teatro La Fenice

John Eliot Gardiner dirige – et même surdirige – tout : le moindre récitatif doit suivre sa battue. Le résultat est souvent raide, corseté, ou, à l’inverse, ce qui ne convient pas plus à Monteverdi, presque romantique dans le surcroît de legato et de longues phrases qui conviendraient mieux à la musique d’Edward Elgar (que Gardiner dirige fort bien au demeurant).

L’omnipotent chef d’orchestre a aussi cosigné, avec Elsa Rooke, une mise en espace qui fait circuler les solistes (qui chantent donc de mémoire) d’une petite estrade jusqu’à l’avant-scène, entre les deux groupes d’instruments anciens réunis. Le résultat ressemble, hélas, à un spectacle de patronage ou à une représentation universitaire de fin d’année.

On est volontiers moqueur. Mais comment ne pas s’esclaffer devant les pas de danse des choristes ou les costumes qu’on pourrait croire taillés au sécateur par des petites mains non voyantes ? Les trois partitions de Monteverdi auraient sûrement peu perdu à être données en simple version de concert.

Le Couronnement de Poppée, Le Retour d’Ulysse en sa patrie et Orfeo, de Claudio Monteverdi. Captation réalisée par Sébastien Glas. Avec Hana Blazikova, Furio Zanasi, Krystian Adam, Lucile Richardot, Kangmin Justin Kim, Marianna Pizzolato, Carlo Vistoli, Gianluca Buratto, Michal Czerniawski, Silvia Frigato, The Monteverdi Choir, The English Baroque Soloists, John Eliot Gardiner (direction et mise en scène) (Fr., 2017, 192 min, 196 min, 119 min).