S’il s’agissait d’un régime de droite, toute la gauche européenne et américaine serait mobilisée. Mais voilà, c’est au Venezuela, et le président Nicolas Maduro – démocratiquement élu en 2013 – est l’héritier de la « révolution bolivarienne » conduite par son prédécesseur, Hugo Chavez, héros d’une partie de la gauche « alter ». D’où quelques complaisances résiduelles à l’égard d’un pouvoir en passe de se livrer à une sorte de coup d’Etat juridique.

Car comment qualifier autrement la tenue de ces élections à une Assemblée constituante – dimanche 30 juillet – destinée à dissoudre l’Assemblée nationale démocratiquement élue fin 2015 et dominée par l’opposition ? Le camp du président Maduro fait valoir qu’il a le soutien de la Cour suprême, institution épurée pour être à la botte du régime et qui s’est distinguée en s’efforçant, en vain, de s’attribuer début avril les pouvoirs de l’Assemblée, la manœuvre ne trompe personne. Il s’agit bel et bien d’annuler des élections libres et de chasser des élus qui ne plaisent pas pour les remplacer par un corps constituant chargé d’accroître encore les pouvoirs de M. Maduro.

Ce n’est pas seulement un coup porté à la démocratie, c’est aussi absurde. A qui fera-t-on croire, en effet, que ce dont souffre prioritairement ce pays, plongé dans le chaos et la misère, c’est une réforme constitutionnelle ? Toute l’opposition, de nombreux syndicats et même une partie des chavistes sont contre cette initiative. Le pays a connu cette semaine une grève générale violemment réprimée par la soldatesque du régime : sept morts, qui viennent s’ajouter à une centaine d’autres, tués par balles lors de manifestations quasi quotidiennes depuis avril. Le régime a recours aux tribunaux militaires pour les civils appréhendés pendant les manifestations. Nombre de témoignages font état de tortures en prison : sévices sexuels, décharges électriques, passages à tabac.

Ni les sanctions décidées par les Etats-Unis – qui ont approuvé une tentative de coup d’Etat contre Hugo Chavez en 2002 – ni l’effondrement des cours du pétrole ne sont à l’origine du désastre économique, social, humanitaire que vit le Venezuela. Autrefois l’un des plus riches de la région, ce pays est au bord de l’abîme du fait de l’incompétence et de la corruption du régime chaviste. L’étatisation d’une partie de l’économie l’a mise au service d’officiers supérieurs aussi mauvais gestionnaires que peu scrupuleux – quand ils n’ont pas versé dans des trafics criminels. L’inflation a explosé. Les supermarchés sont vides. L’insécurité règne.

Traditionnellement, le Venezuela était une terre d’asile pour les voisins colombiens qui, par centaines de milliers, fuyaient la violence dans leur pays. Le flux migratoire s’est inversé, au point que les autorités de Bogota redoutent d’être submergées par une immigration de masse en provenance du Venezuela.

Majoritairement de centre gauche, l’opposition ne réclame pas grand-chose : une élection présidentielle anticipée à moins d’un an de la fin du mandat de M. Maduro. Les organisations régionales se sont mobilisées en vain. Le Mexique et la Colombie ont tenté des médiations. Les Etats-Unis menacent de nouvelles sanctions en cas d’élection de cette Constituante. M. Maduro s’accroche, soutenu par l’armée. Il a peur d’élections libres, il truque le mode de scrutin traditionnel. C’est le propre d’un régime en passe de devenir une dictature pure et simple.