Le tribunal fédéral d’Alexandria, dans l’Etat de Virginie, aux Etats-Unis, a considéré que Phyllis Randall, une élue locale, a violé le premier amendement de la Constitution américaine, relatif à la liberté d’expression, en bloquant temporairement un citoyen de sa page Facebook.

C’est l’internaute en question, Brian Davidson, un consultant en informatique, qui avait porté plainte contre l’élue démocrate, présidente du board of supervisors – l’équivalent du conseil général – du comté de Loudoun, en Virginie. Phyllis Randall l’avait temporairement banni de sa page Facebook après qu’il eut posté des commentaires critiques des élus locaux l’an dernier, raconte le Wall Street Journal.

« Un péché cardinal contre le premier amendement »

Le juge James Cacheris a estimé qu’en bannissant Brian Davidson, l’élue a commis « un péché cardinal contre le premier amendement ». « La suppression de commentaires critiques des élus est une forme typique de discrimination en raison d’opinion, contre laquelle le premier amendement nous protège », a-t-il écrit dans une conclusion de 44 pages publiée mardi 25 juillet.

Aucune peine n’a été retenue contre Phyllis Randall, qui avait levé le blocage après douze heures. Le juge a estimé que les conséquences de cette action étaient « plutôt mineures », mais que le cas soulève des questions sur la manière dont la Constitution s’applique aux comptes des élus sur les réseaux sociaux.

Le procès a principalement servi à déterminer si la page Facebook de la présidente du conseil général Phyllis Randall pouvait être considérée comme une page gouvernementale soumise aux lois concernant la liberté d’expression.

Page personnelle ou page gouvernementale

Pour l’avocate de la défense, Julia Judkins, le juge Cacheris s’est trompé en considérant que cette page, que Phyllis Randall gère elle-même, était une émanation du gouvernement : « Comment cette page Facebook, appartenant à une personne qui ne la gère pas avec des ressources du comté, peut-être considérée comme une page liée au gouvernement ? », a-t-elle demandé. Le juge a toutefois estimé que Phyllis Randall agissait en tant que représentante du gouvernement sur sa page, qu’elle utilise pour demander des retours à ses électeurs.

Par ailleurs, le plaignant, Brian Davidson, a argumenté que l’élue postait des commentaires pendant les heures de bureau et utilisait son adresse e-mail officielle pour accéder à son compte. « Elle veut que le public pense qu’elle est transparente mais elle bloque les critiques », a-t-il accusé. Mme Randall a précisé qu’elle avait temporairement bloqué Brian Davidson car il postait des commentaires qui mentionnaient la famille des élus, mais qu’elle ne bloquerait personne juste pour avoir critiqué les élus eux-mêmes.

Brian Davidson est plaignant dans plusieurs procès de ce type. Il a ainsi porté plainte contre des responsables du conseil d’éducation du comté ; la décision devrait être rendue sous peu. Plus tôt dans l’année, le juge Cacheris a rejeté un autre procès du même plaignant, contre un procureur qui avait supprimé ses commentaires de la page Facebook officielle du bureau du procureur. Le juge a alors estimé que la suppression était constitutionnelle, car le plaignant avait essayé de « détourner la discussion », allant à l’encontre des lois concernant les réseaux sociaux gouvernementaux, qui permettent de retirer les commentaires hors sujets. Le cas est en appel.

Des conséquences possibles pour Donald Trump

La décision concernant la page Facebook de Phyllis Randall pourrait par ailleurs venir soutenir un procès en cours dans l’état de New York contre Donald Trump. L’Institut Knight pour le premier amendement, qui dépend de l’université de Columbia, a porté plainte au nom de sept utilisateurs de Twitter bloqués par Donald Trump.

« Nous espérons que la cour verra ce jugement comme un exemple pour considérer qu’il est anticonstitutionnel de la part du président de bloquer ses critiques sur Twitter », a déclaré au Wall Street Journal Alex Abod, juriste à l’Institut. Des utilisateurs du réseau social ont d’ailleurs rapidement évoqué les différentes personnes bloquées par le président américain.

La Maison Blanche n’a pas répondu aux sollicitations du Wall Street Journal à ce sujet.