Camille Lacourt, le 29 juillet à Budapest. | CHRISTOPHE SIMON / AFP

« Je suis vraiment content que le plan se soit déroulé sans accroc. » Tout à sa joie dans la zone mixte de la Duna Arena de Budapest, Camille Lacourt aurait pu allumer un gros cigare pour savourer son coup de poker réussi que personne n’aurait rien trouvé à lui redire : à 32 ans, le Marseillais a tiré sa révérence depuis la plus haute marche du podium avec un cinquième et dernier titre de champion du monde, décroché sur sa distance fétiche du 50 m dos.

« Au plus profond de moi-même, je pense que la natation, c’est un jeu », déclarait-il en début de semaine, alors qu’il abordait sa dernière compétition internationale en capitaine d’une jeune et fragile équipe de France. Dimanche 30 août, Lacourt a joué et gagné une nouvelle médaille d’or, devançant en 24 s 35 le Japonais Junya Koga (24 s 51) et l’Américain Matt Grevers (24 s 56).

Une victoire qui ajoute au prestige d’une carrière sportive déjà exceptionnelle, ponctuée de, retenez votre souffle, cinq titres de champion du monde (100 m dos en 2011, 50 m dos en 2013, 2015, 2017, 4 × 100 m 4 nages en 2013), deux médailles d’argent mondiales (50 m dos en 2011, 100 m dos en 2015), une de bronze (4 × 100 m 4 nages en 2015), et de cinq titres de champion d’Europe (50 m dos, 100 m dos, 4 × 100 m 4 nages en 2010, 50 m dos et 100 m dos en 2016). La seule ligne qui manque à son palmarès est olympique, avec deux déceptions, une quatrième place à Londres en 2012 et une cinquième à Rio en 2016.

« Content que ça se finisse ! »

Le pari de Lacourt était osé : sa dernière saison de nageur était celle d’une transition, et il l’a partagée entre l’entraînement, un peu, et sa reconversion professionnelle, à multiples facettes, entre interventions médiatiques et séminaires en entreprise. Interrogé sur ce qui allait lui manquer en tant qu’ex-nageur professionnel, le garçon a mentionné « l’adrénaline », et « ces moments avant les compétitions, dans les chambres d’appel, derrière le plot », mais visiblement sans regrets.

« Par contre, il y a une chose qui ne va vraiment pas me manquer, c’est l’entraînement ! C’était un moment extraordinaire, mais j’en ai ras le cul d’être dans l’eau et je suis content que ça se finisse ! », a rigolé celui qui s’est déjà éloigné des bassins en ouvrant cette année un bar à cocktails dans la capitale.

« C’est la première fois que, sur un podium, je me retourne sur tout ce qui s’est passé dans ma carrière. Evidemment, il y a eu des bons moments. Je me souviens aussi des moments difficiles, des gens grâce à qui on a réussi à se relever, les amis, la famille…, a expliqué dimanche soir le jeune retraité. Penser que c’est fini, que c’est la dernière Marseillaise, c’est beaucoup de plaisir et énormément d’émotion. »

A Rio, une saillie contre Sun Yang

A Budapest, le dossiste a bouclé la boucle dans cette piscine qui l’avait vu se révéler lors des championnats d’Europe de 2010, où son sourire, aussi grand que ses bras tentaculaires, avait illuminé les podiums. Mais c’est à Shanghaï, lors des Mondiaux de 2011, que Lacourt entre vraiment dans la lumière. Une compétition qu’il aborde avec la meilleure performance mondiale de la saison sur le 100 m dos, mais aussi lesté de sa découverte du revers de la médaille médiatique : happé par les sollicitations générées par sa soudaine notoriété, il est moins assidu à l’entraînement, arrive moins en forme et inquiet.

Ça ne l’empêche pas d’être sacré champion du monde du 100 m dos, ex æquo avec son camarade Jérémy Stravius, en 52 s 76. Un scénario incroyable qui fait d’eux les deux premiers champions du monde masculins de l’histoire de la natation française.

Nageur surdoué et volontiers à contre-courant, Lacourt brille lors des années impaires, dominant son sujet lors des Mondiaux en 2013, 2015 et donc 2017, passant à côté des rendez-vous olympiques de 2012 et 2016.

A Rio, il défraie aussi la chronique médiatique, s’énervant en assistant à la victoire sur le 200 m nage libre du Chinois Sun Yang, contrôlé positif et suspendu en 2014 : « Ça me donne envie de vomir. Je suis très triste de voir mon sport évoluer de cette façon. Ça me dégoûte de voir des gens qui ont triché sur les podiums. Sun Yang, il pisse violet ! »

La saillie fait le tour du monde, le nageur et la Fédération française n’en rajouteront pas ensuite.

A 32 ans, Lacourt quitte les bassins avec le sentiment du devoir accompli, comme dans un rêve. « Je suis vraiment content de la façon dont ça se finit. (…) C’est une compétition réussie, je suis vraiment content d’y être arrivé. Il n’y avait pas de nostalgie, a insisté le nageur au moment d’évoquer sa dernière ligne droite sous l’eau. J’ai profité, j’ai adoré rentrer dans ce bassin, l’ambiance est bouillante. C’est une pure journée. J’ai envie d’en profiter, je n’ai pas vraiment de mots à dire, c’est beaucoup d’émotion, beaucoup de plaisir. »

Camille Lacourt sur le podium du 50 m, le 30 juillet. | BERNADETT SZABO / REUTERS