Shinzo Abe, le premier ministre japonais, le 3 août 2017 à Tokyo. | KAZUHIRO NOGI / AFP

Le premier ministre japonais, Shinzo Abe, a décidé de remanier son gouvernement pour contrôler ses rivaux et relancer une cote de popularité en berne. Annoncés jeudi 3 août, les dix-neuf membres de la nouvelle équipe doivent faire oublier les critiques ciblant le chef du gouvernement, notamment sur des affaires de trafic d’influence et la large défaite de sa formation, le Parti libéral-démocrate (PLD), lors de l’élection du 2 juillet à l’Assemblée métropolitaine de Tokyo.

Pour son troisième gouvernement depuis son retour au pouvoir en 2012, Shinzo Abe a misé sur l’expérience et la stabilité. Il a maintenu sa confiance à Yoshihide Suga, le puissant secrétaire général du gouvernement, à Taro Aso, vice-premier ministre et ministre des finances, ou encore à Hiroshige Seko, ministre de l’économie, pilier de la Seiwakai, la faction Abe au sein du PLD.

En remplacement de Tomomi Inada, ex-ministre de la défense démissionnaire le 28 juillet pour son incapacité à gérer le scandale de la dissimulation d’informations sur les activités des Forces d’autodéfense au Soudan du Sud, M. Abe a rappelé l’expérimenté Itsunori Onodera, qui occupa le poste de 2012 à 2014.

Les difficultés de ces derniers mois ayant exacerbé les ambitions pour lui succéder, M. Abe s’est s’attaché les personnalités les plus « menaçantes »

Idem à l’éducation, un ministère critiqué pour la mise en place d’un réseau avec les universités pour favoriser l’« amakudari » (le « pantouflage ») de hauts fonctionnaires retraités et au cœur des scandales touchant les institutions éducatives Moritomo et Kake. M. Abe est soupçonné de leur avoir fait bénéficier de certaines faveurs. Les révélations à ce sujet ont contribué à la chute de sa cote de popularité, aujourd’hui sous les 30 %. Le ministre de l’éducation sortant, Hirokazu Matsuno, est remplacé par Yoshimasa Hayashi, personnalité en vue du PLD.

Les difficultés de ces derniers mois ayant suscité des critiques au sein du PLD et exacerbé les ambitions pour lui succéder, le premier ministre a choisi de s’attacher les personnalités les plus « menaçantes ». Fumio Kishida quitte le ministère des affaires étrangères mais prend la direction du conseil de recherche politique du PLD, un poste stratégique pour se préparer à diriger le gouvernement. M. Kishida laisse sa place à Taro Kono, réformateur ayant de bonnes relations avec Washington.

Autre rival potentiel de Shinzo Abe, Seiko Noda devient ministre de la gestion publique. Parlementaire depuis 1993, ministre des postes en 1998 et considérée comme l’une des rares femmes pouvant diriger le gouvernement, Mme Noda a gardé ses distances avec les prises de position nationalistes du premier ministre.

Opposition limitée

Elle a critiqué la révision, en juillet 2014, de l’interprétation de l’article 9 de la Constitution – qui affirme le renoncement à la guerre –, permettant à l’Archipel de participer à des systèmes de défense collective, et les législations sécuritaires adoptées en 2015. Elle a tenté de se présenter contre M. Abe pour prendre la direction du PLD en 2015 et souhaite encore le faire en 2018. Elle est la seule femme de la nouvelle équipe avec la ministre de la justice, Yoko Kamikawa, preuve que la féminisation, pourtant une priorité du premier ministre, est lente.

Les choix opérés par Shinzo Abe traduisent une certaine prudence. « Choisir des personnalités ayant de l’expérience et ayant fait du bon travail dans le passé offre une garantie de ne pas subir de nouvelles affaires compromettantes, estime Steven Reed, professeur de sciences politiques à l’université Chuo (Tokyo). Dans le même temps, il n’y a rien de spectaculaire. » L’impact sur le taux de soutien pourrait donc être réduit.

Cela dit, l’opposition à M. Abe reste limitée. Le Parti démocrate est en quête d’un nouveau dirigeant après le départ, le 27 juillet, de sa présidente, Renho Murata. La gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike, et sa nouvelle formation, Tokyo First, larges vainqueurs du scrutin du 2 juillet, n’ont pas encore d’envergure nationale. Si bien que certains n’excluent pas la possibilité de législatives anticipées avant la fin de l’année.