Martin Sorrell, patron de l’empire publicitaire WPP, à Londres, le 21 novembre 2016. | JUSTIN TALLIS / AFP

Enfin le début du reflux ? Les salaires des grands patrons britanniques ont reculé de 17 % en 2016, une première après des années d’inflation effrénée. La rémunération moyenne d’un directeur général d’une entreprise du FTSE 100 (le principal indice boursier britannique) était de 4,5 millions de livres (5 millions d’euros) l’an dernier, contre 5,4 millions en 2015, selon l’étude annuelle de l’association High Pay Centre et du CIPD, l’association britannique des ressources humaines. Les salaires retrouvent ainsi leur niveau de 2012.

Les auteurs de l’étude hésitent cependant à se réjouir, craignant que la baisse ne soit que passagère. « Il faut espérer que ce changement de tendance soit le début d’une remise à plat de la façon dont les patrons sont payés, plutôt qu’une simple réaction à court terme à la pression politique, souligne Peter Cheese, directeur du CIPD. Le recul de la rémunération est un pas dans la bonne direction, mais cela se produit alors que les salaires moyens au Royaume-Uni stagnent. »

Si elle atteint environ 1 million de livres en moyenne, la baisse de la rémunération des grands patrons fait suite à une envolée de leurs salaires depuis deux décennies. Ils perçoivent aujourd’hui 129 fois le salaire moyen des employés qui travaillent dans leur entreprise ; en 1998, le ratio n’était que de 45 fois.

Campagne de sensibilisation

De plus, la modération de la rémunération cache différentes tendances. Si les salaires les plus stratosphériques ont reculé, ceux des grands patrons qui étaient jusqu’à présent les moins généreusement rémunérés ont au contraire augmenté. Ainsi, Martin Sorrell, qui dirige l’empire publicitaire WPP, et qui est le mieux payé du FTSE 100, a vu son salaire chuter de 70 millions de livres en 2015 à 48 millions (53 millions d’euros) en 2016. Inversement, les trente-deux directeurs généraux les moins bien payés ont reçu une augmentation.

L’explication : les entreprises lorgnent de plus en plus sur les pratiques de leurs voisines et alignent les salaires de leurs dirigeants, pour éviter de trop sortir du lot. Cette tendance inquiète Stefan Stern, directeur du High Pay Centre : « Cela n’aide personne, à part quelques heureux élus au sommet. »

L’étude souligne aussi le large fossé qui existe entre les rémunérations des hommes et des femmes. Non seulement ces dernières sont très mal représentées – seulement six d’entre elles dirigent une entreprise du FTSE 100 – mais leur salaire est beaucoup plus faible : 2,6 millions de livres en moyenne, contre 4,7 millions pour les hommes.

La baisse des rémunérations des grands patrons fait suite à des années de campagne de sensibilisation, venant d’association comme le High Pay Centre ou les syndicats britanniques.

Et depuis quelques années, les actionnaires ont fait connaître leur colère, en votant parfois contre les salaires des dirigeants lors des assemblées générales des entreprises.

L’affaire est aussi devenue politique et le gouvernement britannique menace d’imposer une nouvelle réglementation. Une loi avait été annoncée par la première ministre britannique, Theresa May, avant les élections de juin. Mais la perte de sa majorité absolue à la Chambre des communes pourrait remettre en cause ce projet. « Nous craignons que si le gouvernement y renonce, la rémunération des grands patrons accélère de nouveau », écrivent les auteurs de l’étude.

Classement des cinq patrons britanniques les mieux rémunérés

  1. Martin Sorrell, WPP (publicité) : 53,2 millions d’euros.
  2. Arnold Donald, Carnival (croisières) : 24,7 millions d’euros.
  3. Rakesh Kapoor, Reckitt Benckiser (produits ménagers) : 16,2 millions d’euros.
  4. Pascal Soriot, AstraZeneca (pharmacie) : 14,8 millions d’euros.
  5. Erik Engstrom, RELX (services informatiques) : 11,7 millions d’euros.