Matthias Müller (Volkswagen), Harald Krüger (BMW) et Dieter Zetsche (Daimler-Mercedes) au cours du « sommet du diesel », le 2 août 2017, à Berlin. | AXEL SCHMIDT / AFP

Editorial du « Monde ». Longtemps, le « made in Germany » a été synonyme de sérieux et de fiabilité. Longtemps, l’automobile a symbolisé, plus que tout autre secteur, l’excellence industrielle allemande. Longtemps, enfin, l’Allemagne a défendu avec fierté son « économie sociale de marché », sorte de capitalisme à visage humain censé être immunisé contre les dérives du capitalisme à l’anglo-saxonne, et ce grâce à l’action conjointe d’un patronat raisonnable, de syndicats puissants et d’un Etat vigilant.

Selon le « Spiegel », les cinq principaux constructeurs du pays auraient constitué un cartel dans les années 1990.

Le « sommet du diesel », organisé mercredi 2 août à Berlin sous l’égide du gouvernement fédéral en présence des principaux représentants de l’industrie automobile allemande, aurait pu être l’occasion de démontrer que ces mythes ont encore quelque consistance. Les circonstances s’y prêtaient.

Deux ans après les révélations sur les manipulations auxquelles s’est livré Volkswagen pour faire passer ses moteurs diesel pour moins polluants qu’ils ne l’étaient, les autres marques allemandes sont frappées du même soupçon. Dans une longue enquête parue fin juillet, le Spiegel a par ailleurs révélé que le « dieselgate » n’était qu’un aspect du scandale.

Au mépris des règles de la concurrence

Selon l’hebdomadaire, les cinq principaux constructeurs du pays se seraient en effet constitués en « cartel » dans les années 1990, au mépris des règles sur la concurrence, au détriment des consommateurs et aux dépens de l’environnement.

Dans un tel contexte, l’industrie automobile allemande aurait pu apporter des réponses à la hauteur du discrédit qui la frappe. Elle s’est contentée du minimum, préférant le silence à la transparence, l’adaptation à l’innovation.

Au total, 5,3 millions de véhicules diesel – deux fois plus que prévu – seront rappelés à l’usine afin que soit mis à jour le logiciel destiné à réduire leurs émissions polluantes. Des solutions plus efficaces pour rendre moins nocifs les véhicules diesel en circulation avaient été envisagées. Les constructeurs ne les ont pas retenues. Trop chères.

Jugées trop chères, les solutions pour rendre moins nocifs les véhicules diesel en circulation ont été écartées.

De leur côté, les responsables politiques du pays avaient eux aussi une chance à saisir. Depuis deux ans, la crise de confiance déclenchée par le « dieselgate » aurait pu être l’occasion d’un grand débat public sur l’avenir de l’automobile.

Compte tenu de l’ampleur prise par le scandale depuis la parution de l’enquête du Spiegel ainsi que du poids du secteur dans l’économie allemande (20 % des exportations, 800 000 emplois), il aurait d’ailleurs été logique qu’Angela Merkel revienne de ses vacances en Italie pour présider le sommet de mercredi.

Le champ libre aux constructeurs

La chancelière a préféré déléguer ce rôle à ses ministres des transports et de l’environnement, un conservateur et une social-démocrate, à peu près d’accord sur rien, ce qui était la meilleure façon d’affaiblir la parole du gouvernement et de laisser le champ libre aux constructeurs.

A court terme, un tel manque d’ambition politique est peut-être la solution la plus confortable. A deux mois des élections législatives du 24 septembre, ni Angela Merkel ni Martin Schulz, son adversaire social-démocrate, qui n’est pas plus loquace qu’elle sur la question, n’ont d’intérêt immédiat à bousculer les habitudes de leurs concitoyens et de leurs industriels.

A long terme, en revanche, le choix de soutenir le diesel plutôt que de miser sur des technologies d’avenir risque d’entretenir une illusion. Et de faire oublier qu’un modèle industriel, pour perdurer, a d’abord besoin d’innovation.