Le mâle Yuan Zi et la femelle Huan Huan (« Joyeuse »), âgée de bientôt 9 ans, à leur arrivée au zoo de Beauval en janvier 2012. | BENOIT TESSIER / REUTERS

C’est une attente faite à la fois d’effervescence et de stress. Pour la première fois en France, une femelle panda va donner naissance à des jumeaux au zoo de Beauval, à Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher). Huan Huan (prononcez « Ruan Ruan »), l’un des deux plantigrades prêtés par la Chine en 2012, devrait mettre bas vendredi 4 ou samedi 5 août.

L’événement, attendu par des milliers de visiteurs et autant de fans sur les réseaux sociaux, ne sera pas retransmis en direct, pour ne pas mettre la pression aux équipes alors qu’il s’agit d’une opération délicate. Il relance dans le même temps les questions sur la captivité des animaux et la réintroduction d’espèces menacées dans leur milieu naturel.

  1. D’où viennent les pandas du zoo de Beauval ?
  2. Pourquoi leur reproduction est-elle difficile ?
  3. Pourquoi y a-t-il si peu de temps entre la découverte de la gestation et la naissance ?
  4. La naissance de jumeaux est-elle fréquente ?
  5. Y a-t-il des risques pour la mère et ses bébés ?
  6. Que vont devenir les petits ?
  7. Ces mammifères sont-ils toujours en danger dans la nature ?
  8. Quelles sont les principales menaces qui pèsent sur eux ?
  9. Pourquoi est-il important de protéger les pandas ?
  10. La captivité est-elle utile dans la conservation de ces ursidés ?

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  • D’où viennent les pandas du zoo de Beauval ?

Le mâle Yuan Zi (« le fils de celle qui a une tête toute ronde ») et la femelle Huan Huan (« Joyeuse »), âgés de bientôt 9 ans, sont arrivés en janvier 2012 à Beauval, prêtés par la Chine pour une durée de dix ans. Ce sont les seuls pandas géants présents en France.

En dehors de la Chine (qui compte 1 800 pandas sauvages et 400 en captivité), vingt-deux établissements zoologiques possèdent une quarantaine de pandas en captivité dans le monde, dont six en Europe (dans le Loir-et-Cher, donc, mais aussi à Berlin, Madrid, Edimbourg, Vienne et Brugelette en Belgique). En 2016, trois bébés ont vu le jour sur le Vieux Continent, un en Belgique et des jumeaux en Autriche.

  • Pourquoi leur reproduction est-elle difficile ?

Les pandas géants ont la réputation d’être maladroits lors de l’accouplement, les mâles peinant à discerner quand la femelle est en chaleur et l’acte sexuel étant souvent bien trop rapide pour que la femelle soit fécondée. Surtout, cette dernière n’est féconde qu’une fois par an, durant 48 heures, au cours desquelles elle ovule une journée seulement.

« En mars, nous avons su que Huan Huan était féconde grâce aux prises d’urine. A ce moment-là, nous l’avons mise en présence de Yuan Zi, mais ils ne sont pas parvenus à s’accoupler, raconte Delphine Delord, la directrice de la communication de Beauval. Nous avons donc procédé à une insémination artificielle. »

  • Pourquoi y a-t-il si peu de temps entre la découverte de la gestation et la naissance ?

Le zoo de Beauval a appris le 26 juillet seulement que Huan Huan était enceinte. La première raison réside dans la diapause embryonnaire, une période dans laquelle la femelle est entrée fin mars, après la fécondation. Cette faculté, rarissime dans le règne animal, lui permet d’arrêter le développement du fœtus si elle estime que la période est peu favorable pour mettre bas. Il n’y a alors pas de nidification de l’ovocyte.

Elle en est sortie à la mi-juillet, et son comportement a changé. « Elle avait un pic d’hormones, dormait tout le temps, mangeait beaucoup moins, ne voulait plus quitter sa loge de nuit, explique Delphine Delord. On ne savait pas encore s’il s’agissait d’une gestation ou d’une fausse gestation, comme elle l’a faite en 2016. »

Seule une échographie pouvait lever le doute. Mais en raison d’une gestation très courte – de cinquante jours –, les femelles pandas mettent au monde un bébé de 100 grammes environ. Il a alors fallu attendre fin juillet pour que l’embryon, d’une taille de 3,4 centimètres, apparaisse à l’écran.

L’échographie du 26 juillet a montré que Huan Huan attendait un petit. | Zoo de Beauval

  • La naissance de jumeaux est-elle fréquente ?

Ce n’est que lors d’une autre échographie, réalisée le 1er août, que les équipes de Beauval ont découvert qu’il s’agissait en réalité de jumeaux. « On avait une suspicion, mais on n’était pas sûrs, car Huan Huan bougeait beaucoup lors de l’échographie, et il aurait pu s’agir du même bébé vu deux fois », avance la directrice de la communication.

La naissance de jumeaux est fréquente en captivité, de l’ordre de 50 %. Deux causes peuvent l’expliquer : les fécondations in vitro et la gémellité des parents. A la fois Yuan Zi et Huan Huan sont issus de portées gémellaires.

  • Y a-t-il des risques pour la mère et ses bébés ?

La naissance est un moment très délicat, d’autant qu’il s’agit de jumeaux. Le deuxième bébé de Huan Huan, surveillée 24 heures sur 24 à l’aide de caméras, pourra naître aussi bien dans la foulée du premier, que plusieurs heures voire un jour après.

« Les bébés ne pèseront qu’une centaine de grammes chacun alors que Huan Huan pèse une centaine de kilos. Il y a forcément des risques, détaille Delphine Delord. Il faudra immédiatement les réchauffer car ils naîtront sans poils et tout rose. »

Naissance d’un panda dans un centre à Wolong, dans la province du Sichuan, en Chine, en juillet 2017. | CHINA STRINGER NETWORK / REUTERS

Le zoo de Beauval a prévu une couveuse pour s’occuper de l’un des deux bébés. « Dans la nature, en cas de naissance de jumeaux, la mère abandonne celui qu’elle juge le moins robuste, poursuit-elle. Nous placerons un petit en couveuse puis échangerons les bébés toutes les deux heures pour les confier à tour de rôle à leur mère. »

Deux soigneuses chinoises, qui travaillent au centre de reproduction et de conservation des pandas à Chengdu (Sichuan), sont venues assister l’équipe de Beauval composée de quatre soigneurs, de vétérinaires et d’une éthologue.

  • Que vont devenir les petits ?

Si tout se passe bien, les petits, qui seront visibles par le public au bout de deux mois, vont être allaités ou nourris au biberon pendant six à sept mois, avant de manger du bambou. Ils retourneront en Chine à l’âge de trois ans. Selon l’usage, Brigitte Macron sera leur marraine, avec la première dame chinoise.

  • Ces mammifères sont-ils toujours en danger dans la nature ?

La Chine, foyer de tous les pandas sauvages de la planète, abrite 1 864 individus, selon le dernier recensement réalisé en 2015. Après plusieurs décennies de déclin, leur population a augmenté de 17 % en dix ans, grâce à la mise en place de programme de conservation et de réserves naturelles.

Leur aire de répartition s’est également développée : ils occupent 2,6 millions d’hectares, soit une hausse de 12 % sur la même période, dans six massifs montagneux des provinces du Sichuan, du Shaanxi et du Gansu, au centre et à l’ouest du pays.

La situation de cet animal emblématique, au taux de reproduction faible, reste malgré tout précaire. Il est inscrit sur la liste rouge mondiale des espèces menacées établie par l’Union internationale de conservation de la nature (UICN), qui constitue l’inventaire mondial le plus complet de l’état de la biodiversité. En septembre 2016, l’UICN les a passés de la catégorie « en danger », dans laquelle ils étaient depuis très longtemps, à « vulnérable », soulignant l’efficacité des efforts entrepris par la Chine pour sauver l’ursidé.

  • Quelles sont les principales menaces qui pèsent sur eux ?

Un temps braconnés pour leur fourrure, les pandas sont aujourd’hui principalement menacés par la destruction et la fragmentation de leur habitat naturel. Ils évoluent au sein de trente-trois sous-populations isolées séparées par des barrières physiques insurmontables, ce qui leur confère une grande fragilité.

En cause : la déforestation liée à l’urbanisation, l’extension des zones agricoles ou de l’élevage. « Il faut restaurer leur habitat, en mettant en place davantage de corridors de bambous, et en reconnectant les zones isolées », avance Dave Garshelis, biologiste à l’université du Minnesota (Etats-Unis) et coresponsable du groupe d’étude des ursidés à l’UICN.

Mais le péril que l’on craint le plus aujourd’hui est le changement climatique. On estime que le réchauffement planétaire pourrait faire disparaître plus de 35 % des forêts de bambou d’ici à la fin du siècle. Or les pandas ne se nourrissent que de cette plante, qu’il mange quatorze heures durant par jour.

Une femelle panda et son petit au zoo de Tokyo (Japon), le 1er août 2017. | AP

  • Pourquoi est-il important de protéger les pandas ?

Certaines espèces, comme l’ours blanc, le tigre, le panda roux, le panda géant, suscitent l’empathie et attirent beaucoup l’attention du public. Ce sont des emblèmes, à l’état naturel, des autres espèces menacées dont le nombre ne cesse d’augmenter. Par ailleurs, le panda est une « espèce parapluie », c’est-à-dire que sa protection entraîne celle d’autres espèces de faune et de flore se trouvant dans les forêts de bambou.

  • La captivité est-elle utile dans la conservation de ces ursidés ?

Les zoos, comme celui de Beauval, mettent en avant les programmes de conservation et de réintroduction des espèces qu’ils financent, de même que ceux visant à réimplanter des habitats. En réalité, les réintroductions en milieu naturel sont très difficiles à mener et fonctionnent rarement.

« C’est un but honorable, mais l’animal est imprégné de l’homme et n’est plus adapté à son véritable milieu, considère Franck Schrafstetter, le président de l’ONG Code animal, qui lutte contre la captivité des espèces. Il n’y a aucun rapport entre le biotope du Loir-et-Cher et celui des montagnes chinoises, où les pandas vivent dans un climat frais et humide, dans une végétation très dense et en altitude. »

Le militant dénonce une « opération marketing », qui « cache les 99,5 % des espèces condamnées à rester enfermées » et qui « banalise le panda comme un objet de consommation pour divertir les humains ».

« Ce genre d’événement ramène beaucoup d’argent au zoo », assure-t-il. Beauval a investi 5 millions d’euros pour créer sa « zone panda » et paye 750 000 euros par an à la Chine pour le prêt des animaux. Mais dans le même temps, l’établissement a trouvé le filon en or : il a accueilli 1,4 million de visiteurs en 2016 contre 600 000 en 2011, tandis qu’il triplait quasiment son chiffre d’affaires sur la même période, de 20 millions à 55 millions d’euros.