Un message de l’opposition dans les rues de Caracas. | Wil Riera / AP

Cinq jours après l’élection contestée de l’Assemblée constituante acquise au président vénézuélien Nicolas Maduro, les députés qui la composent devraient siéger pour la première fois vendredi 4 août. L’opposition a appelé à de nouvelles manifestations à Caracas, faisant craindre de nouvelles violences.

  • Installation de la Constituante

Dotés de pouvoirs illimités durant un temps indéfini, les 545 membres de l’Assemblée constituante élue dimanche 30 juillet devraient débuter leurs travaux vendredi. Ils ont pour mission de rédiger une nouvelle Constitution, qui remplacera celle promulguée en 1999 par le défunt président Hugo Chavez.

Les membres de l’Assemblée sont, pour la plupart, issus de la société civile et appartiennent tous au camp présidentiel, l’opposition ayant boycotté le scrutin. Certaines des personnalités les plus puissantes du pouvoir en place y siégeront, comme le numéro 2 du Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV, au pouvoir), Diosdado Cabello, l’ex-ministre des affaires étrangères, Delcy Rodriguez, et l’épouse du président Maduro, Cilia Flores.

Cible d’une vague de contestations l’accusant de vouloir étendre ses pouvoirs et prolonger son mandat, M. Maduro entend, grâce à cette Constituante, « perfectionner » l’économie et inscrire ses programmes sociaux dans la Constitution. Cette assemblée apportera « la paix », affirme le président Nicolas Maduro, en réponse aux manifestations qui réclament son départ et lors desquelles plus de 120 personnes ont été tuées en quatre mois.

  • Des soupçons de fraude

L’élection dimanche des constituants, entachée par des violences qui ont fait dix morts, a suscité un tollé international. Depuis la proclamation des résultats, l’opposition dénonce des fraudes dans le processus électoral. Elle a appelé à de nouvelles manifestations vendredi à Caracas pour maintenir la pression.

Selon les autorités, plus de huit millions d’électeurs, soit 41,5 % du corps électoral, ont participé à l’élection des membres de la Constituante. Soit un chiffre supérieur aux 7,6 millions de voix réunies par l’opposition le 16 juillet, lors d’un référendum contre le projet de Constituante. Chaque camp conteste les chiffres de l’autre.

Les révélations de SmartMatic, l’entreprise britannique chargée des opérations de vote au Venezuela, qui accuse les autorités d’avoir « manipulé » le taux de participation, ont relancé la polémique. La présidente de l’Autorité électorale (CNE) Tibisay Lucena et le président Maduro ont rejeté ces accusations.

Le parquet général du Venezuela, dirigé par la procureure dissidente Luisa Ortega, a tenté jeudi de freiner la mise en place de cette Constituante : il a demandé à la justice d’annuler la séance inaugurale du lendemain. L’initiative du parquet a cependant peu de chances d’aboutir, ses précédentes décisions ayant toutes été neutralisées par la Cour suprême (TSJ), accusée par l’opposition d’être inféodée au pouvoir.

  • Un processus aux contours flous

L’Assemblée constituante dispose de prérogatives qui la placent au-dessus de tous les pouvoirs constitués, y compris le Parlement dominé par l’opposition. Un « super pouvoir » contesté justement par l’opposition, qui ne reconnaît pas la légalité de cette instance.

L’initiative a été lancée sans consultation préalable par les urnes mais M. Maduro a assuré que la nouvelle Constitution serait soumise à référendum.

Comme il s’agit d’un processus exceptionnel, l’incertitude règne sur la manière dont la Constituante va travailler. On ignore si elle va dissoudre ou non des institutions comme le Parlement ou le Parquet, ainsi qu’en ont menacé de hauts responsables du camp présidentiel.

Selon la constituante Delcy Rodriguez, les deux assemblées pourront continuer à se réunir dans le même bâtiment, la Constituante dans le « salon elliptique » et les députés élus à la fin de 2015 dans l’hémicycle. Une simple cour les sépare.

On ne sait pas non plus si cette assemblée va lancer une chasse aux sorcières qui augmenterait le nombre des « prisonniers politiques », estimé à environ 500 par l’ONG Foro Penal.

Quel rôle jouera cette Assemblée sur les scrutins à venir ? Selon une des responsables des instances électorales, Socorro Hernandez, la tenue des élections de gouverneurs – prévues en 2016 mais reportées à décembre 2017 – dépendrait des « décisions » des constituants.

Dans ce contexte, l’opposition craint que l’élection présidentielle de 2018 ne soit suspendue.