David Howman, l’ancien directeur de l’Agence mondiale contre le dopage,lors d’une conférence, le 24 mars 2015. JEAN-CHRISTOPHE BOTT / AP | JEAN-CHRISTOPHE BOTT / AP

Directeur général de l’Agence mondiale antidopage jusqu’en 2016, le Néo-Zélandais David Howman a été nommé, en avril, à la tête de l’Athletics Integrity Unit (AIU). Cette structure, créée par la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF), a pour but de s’occuper des questions de dopage, de corruption et de manipulation des compétitions. Outre la mise en place de programmes d’éducation et de prévention contre le dopage, elle se chargera de la supervision des contrôles, tout en pouvant mener ses propres enquêtes, avec la possibilité de sanctions. Lors des Mondiaux de Londres, 600 contrôles urinaires sont prévus pendant les compétitions.

Pourquoi avez-vous accepté de rejoindre l’AIU ?

C’est une structure en faveur de laquelle je militais depuis sept ou huit ans, une entité indépendante qui traitera de toutes les grandes problématiques qui menacent l’intégrité du sport. Il ne s’agira pas uniquement de dopage mais aussi de corruption et d’autres thématiques. Cette transversalité est importante : les informations que vous collectez dans un domaine peuvent vous être utiles dans un autre.

« Je place beaucoup d’espoir dans les relations avec la police mais aussi avec les douanes et les services d’immigration »

Les récents scandales de dopage et de corruption dans le sport ont été révélés par les médias ou la justice. N’est-ce pas le signe qu’il est difficile pour des structures créées par les fédérations elles-mêmes de mettre au jour ce genre d’affaires ?

J’ai été un membre de la communauté antidopage pendant de longues années. Il m’est toujours apparu que les moyens dont elle dispose ne seront jamais suffisants pour gérer les gros problèmes. Il n’y aura jamais trop d’argent pour lutter contre la triche, financer de grosses enquêtes et rassembler des informations.

Nous avons toujours été reconnaissants de l’aide apportée par le journalisme d’investigation, dont bénéficie la société dans son ensemble, et pas seulement le sport. Je place aussi beaucoup d’espoir dans les relations que nous allons construire avec les forces de l’ordre, et je ne parle pas que de la police, mais aussi des douanes, des services de l’immigration – parmi nos nombreuses attributions, il y a les changements de nationalité ainsi que la limite d’âge de certains athlètes dans les compétitions de jeunes.

Nous devons nouer des partenariats avec des gens qui recueillent quotidiennement ces informations. Il ne s’agit pas de savoir si une fédération internationale peut le faire : personne ne peut le faire tout seul. Il faut nouer des partenariats basés sur la confiance. C’est ce que nous avons fait à l’Agence mondiale antidopage, lorsque nous avons commencé à travailler avec Interpol, en 2005.

Quels sont les moyens financiers dont vous disposez, à la tête de cette unité ?

Pour la première année, nous bénéficions d’un budget de 8 millions d’euros qui doit couvrir toutes nos activités. Evidemment, comme il s’agit d’une nouvelle structure, nous verrons si c’est suffisant et si nous pouvons être efficaces dans nos différentes missions.

« Il faut instaurer de la confiance et du respect envers les lanceurs d’alerte qui viendront nous parler à l’avenir »

Un an et demi après les révélations d’un scandale de dopage généralisé en Russie, une vingtaine de Russes concourent aux Mondiaux de Londres, en tant qu’athlètes neutres. Est-ce une bonne nouvelle pour ce sport ?

La procédure qu’ont dû suivre ces athlètes russes désireux de concourir à Londres a été extrêmement approfondie. L’historique des contrôles antidopage de chacun de ces athlètes a été étudié. Il y a eu plus de 140 demandes, ce qui signifie que la majorité a été rejetée. Dans chaque cas, des décisions écrites sont venues justifier les raisons du refus. Ceux qui ont été acceptés sont passés par un processus rigoureux, ils ont subi des contrôles. Le programme auquel ils ont été soumis dépasse sûrement, en termes d’exigence, celui de nombreux athlètes d’autres pays.

Ioulia Stepanova, qui a dénoncé les pratiques illicites dans son pays de naissance, n’a pas vu sa demande acceptée, car elle n’a pas réalisé les temps exigés sur 800 mètres…

D’un point de vue personnel, il me semble que Ioulia Stepanova devrait être félicitée pour les risques qu’elle a pris afin de montrer à quel point la pomme était pourrie. Ça ne l’autorise pas automatiquement à concourir, mais si elle satisfait les critères d’éligibilité, alors je dirai toujours qu’elle a le droit le concourir. Elle a eu le cran de dénoncer tout cela, et il faut être courageux pour le faire. Il faut instaurer de la confiance et du respect envers les lanceurs d’alerte qui viendront nous parler à l’avenir.