Usain Bolt passe la ligne en premier lors de la finale des Jeux olympiques de Rio en août 2016. | CARLOS BARRIA / REUTERS

Une petite seconde de mieux en 2009 qu’en 1912 : c’est le bilan de cent cinq ans de compétition officielle du 100 mètres chez les hommes. Depuis le record établi par Don Lippincott en 1912 jusqu’aux 9 s 58 d’Usain Bolt en 2009 à Berlin, ce sont exactement 102 centièmes qui ont progressivement été effacés – avec plus de précision encore à partir de 1968, et l’introduction du chronométrage électronique.

Depuis que les autorités sportives homologuent les records, c’est l’Américain Jesse Owens qui a détenu le plus longtemps le sien dans la discipline : ses 10 s 20 de 1936 à Berlin ont tenu plus de vingt ans – sans parler de son record du saut en longueur, établi quelques mois plus tôt, qui tiendra vingt-cinq ans (avec 8,13 m) avant d’être battu.

Des performances forcément suspectes

On pourrait logiquement penser que plus on bat des records plus ils sont difficiles à battre, d’autant que le graphique affiche un palier autour de 10 s 20 et 9 s 95. On pourrait et on devrait, d’autant que nombre de performances des années 1980 et 1990 chez les messieurs du 100 m sont au mieux suspectes, au pire extraterrestres. A l’instar d’Asafa Powell – contrôlé positif en 2013, six ans après sont record du monde –, sur les 10 meilleurs athlètes de l’histoire du 100 m, seuls trois n’ont jamais été suspendus pour dopage : l’Américain Maurice Greene et les Jamaïcains Nesta Carter et Usain Bolt (recordman du monde en 9 s 58).

De fait, même si la lutte contre le dopage a fait de gros progrès après les années 1990, les sportifs qui pratiquent l’athlétisme représentent près du quart (23,99 %) des sportifs sanctionnés (loin devant les cyclistes, 12,23 %).

Certains ont avoué, d’autres ont été convaincus de dopage, comme Ben Johnson – en septembre 1988, trois jours après sa finale remportée au nez et à la barbe de l’autre vedette du moment, l’Américain Carl Lewis. Ce dernier fait partie d’une autre catégorie d’athlètes : ceux qui ont bénéficié d’« indulgence ». Contrôlé positif en juillet 1988 à des stimulants contenus, selon lui, dans « des compléments alimentaires », le sprinteur avait été blanchi, comme une centaine d’autres, par les autorités américaines entre 1988 et 2000, dans une ambiance que ne renierait pas Francis Ford Coppola pour un film de gangsters italo-américains.

Le même Carl Lewis, après le second doublé d’Usain Bolt aux Jeux de 2012, avait évoqué ses réserves sur la politique antidopage jamaïquaine : « Des pays comme la Jamaïque n’ont pas de contrôle antidopage aléatoire, aussi peuvent-ils rester des mois sans être testés. (…) Je ne suis pas en train de dire qu’ils ont fait quelque chose de façon certaine… Je ne sais pas. »

Un record imbattable chez les dames depuis 1988

Pour le 100 mètres féminin, les records marquent un palier autour de 11 s 60 et 11 s 00 entre les années 1930 et 1980, avant d’être battus tour à tour par des athlètes est-allemandes puis américaines.

Il y a fort à parier que le record établi par l’Américaine Florence Griffith-Joyner en juillet 1988, à 10 s 49, semble inaccessible tant il est à part des autres performances. Ainsi, depuis 1988, la meilleure performance d’une femme sur 100 m sont les 10 s 64 de Carmelita Jeter en septembre 2009, mais la plupart des meilleures performances annuelles se situent entre 10 s 70 et 10 s 90.

Par ailleurs, la mort à 38 ans de la « Flo-Jo » d’une attaque cérébrale pendant son sommeil, en 1998, laisse planer des doutes quant à une « préparation [physique] à base de stéroïdes anabolisants » dont la prise favorise le risque d’attaque cardiaque ou cérébrale.

La liste de sportifs de haut niveau morts prématurément est déjà longue : le peloton connaît l’exemple de Tom Simpson, mort en 1967 de l’effet combiné d’un abus d’amphétamines et des fortes chaleurs. Plus récemment, en 2001, c’est l’ancien recordman kényan du 10 000 mètres, Richard Chelimo, qui meurt à 29 ans d’un cancer du cerveau.

En mai, la Fédération européenne d’athlétisme (EAA) avait adopté une proposition visant à remettre à zéro tous les records d’Europe – précisant par la suite songer aux records établis avant 1991 et la mise en place de contrôles hors compétitions – pour « restaurer la crédibilité et la confiance » dans l’athlétisme. Si cette mesure permettrait d’effacer certains records établis par les pays de l’Est, elle ne changerait rien aux 10 s 49 de « Flo-Jo ».