Paul Kagame, président du Rwanda, dans son bureau de vote à Kigali le vendredi 4 août 2017. La Comission électorale qui a publié les résultats le gratifie de 98% des voix. | MARCO LONGARI / AFP

Le chef de l’État sortant Paul Kagame, qui dirige le Rwanda d’une main de fer depuis 23 ans, a obtenu une victoire écrasante à l’élection présidentielle, en étant réélu avec plus de 98 % des voix, selon des résultats partiels divulgués samedi 5 août.

La Commission électorale (NEC) a publié dans la nuit des résultats portant sur 80 % des bulletins dépouillés, qui donnent M. Kagame très largement en tête avec 98,66 % des suffrages exprimés, ses deux adversaires recueillant chacun moins de 1 %.

La NEC estime que 97 % des 6,9 millions d’électeurs inscrits ont voté. Selon ces résultats partiels, l’indépendant Philippe Mpayimana obtient 0,72 % des suffrages exprimés, et Frank Habineza, leader du Parti démocratique vert, le seul parti d’opposition au Rwanda, recueille 0,45 % des voix.

« Nous pensons qu’à ce niveau, nous aurons les mêmes résultats demain (samedi matin, N.D.L.R.). Il n’y aura pas de changement après que nous ayons compté 100 % des votes », a déclaré le président de la NEC, Kalisa Mbanda.

Dès le début de la soirée, alors que le scrutin s’était déroulé dans le calme vendredi, plusieurs centaines de personnes se sont réunies à Kigali devant un écran géant installé dans un gymnase proche du stade national, pour fêter la victoire attendue de M. Kagame.

Campagne phagocytée

Avant même le scrutin, une large victoire de M. Kagame, 59 ans, un visionnaire pour les uns, un despote pour les autres, qui briguait un troisième mandat de sept ans, était attendue.

Ses deux adversaires étaient passés quasiment inaperçus dans une campagne phagocytée par le Front patriotique rwandais (FPR), parti contrôlant toutes les sphères de la société de ce petit pays de la région des Grands Lacs.

Paul Kagame « a libéré le pays, il a stabilisé le pays, et maintenant on peut marcher dans tout le pays nuit et jour sans problème », a expliqué Jean-Baptiste Rutayisire, un entrepreneur de 54 ans, qui a voté dans le même bureau du centre de Kigali que le président.

« Il a fait beaucoup pour le pays et il continue (…), c’est un homme exceptionnel », a-t-il ajouté, en avouant ne pas connaître MM. Mpayimana et Habineza.

Conscient de n’avoir quasiment aucune chance de l’emporter, M. Habineza s’était cependant réjoui que pour « la première fois depuis 23 ans un parti d’opposition se trouve sur les bulletins de vote », dans un entretien téléphonique vendredi avec l’AFP. Dans le Rwanda post-génocide, seuls des candidats indépendants ou alliés à M. Kagame avaient jusque-là pu se présenter à l’élection présidentielle.

En amont du scrutin, MM. Habineza et Mpayimana s’étaient plaints de nombreuses difficultés, dont le peu de temps à leur disposition pour lever des fonds et faire campagne.

Lors d’un récent meeting, M. Habineza avait assuré à l’AFP que placarder les couleurs de son parti avait été un vrai défi : « On nous a dit qu’on ne pouvait pas mettre nos drapeaux là où le FPR avait mis les siens, mais malheureusement le FPR a mis les siens partout ! ».

Opposition de « façade »

La victoire de M. Kagame ne semblait faire aucun doute depuis le plébiscite par référendum en décembre 2015 - 98 % des voix - d’une modification de la Constitution, critiquée par les observateurs, lui permettant de briguer un nouveau mandat de 7 ans et potentiellement de diriger le pays jusqu’en 2034.

Paul Kagame est l’homme fort du Rwanda depuis que le FPR a renversé en juillet 1994 le gouvernement extrémiste hutu ayant déclenché un génocide qui a fait 800 000 morts entre avril et juillet 1994, essentiellement parmi la minorité tutsi.

Il a d’abord été vice-président et ministre de la Défense, dirigeant de facto le pays, avant d’être élu président en 2000 par le Parlement. En 2003 et 2 010, il a été reconduit au suffrage universel avec plus de 90 % des voix.

M. Kagame est crédité du spectaculaire développement, principalement économique, d’un pays exsangue au sortir du génocide. Mais il est aussi accusé de bafouer la liberté d’expression et de réprimer toute opposition.

De nombreuses voix critiques ont été emprisonnées, forcées à l’exil et pour certaines assassinées. Des observateurs assurent que les candidatures de MM. Habineza et Mpayimana ne sont qu’une « façade » à destination de la communauté internationale.

Selon Robert Mugabe, un des rares journalistes rwandais ouvertement critiques, « il n’y a pas d’élection au Rwanda, juste un couronnement ».