L’une des trois scènes du festival Intrinsic, à l’ombre des saules et des noyers. | Anaïs Kervella

Une grosse envie de lâcher prise, « à l’écart de la civilisation et de la vie urbaine » ? D’écouter de la techno planante, avachi sur des poufs XXL ? D’expérimenter des techniques de relaxation à base de gong himalayen et de cacao du Costa Rica ? Alors hâtez-vous – lentement, s’entend – au festival Intrinsic qui se tient jusqu’à dimanche à Castelnaud-la-Chapelle (Dordogne). À ceux, en revanche, que les mantras et les sushis végans rendent malades, on conseillera plutôt de rester chez eux ou d’attendre sagement le Motocultor Festival, petit frère du Hellfest qui se déroulera à la fin du mois dans le Morbihan.

Bain de gong, en attendant les concerts. | Anaïs Kervella

De tous les festivals auxquels nous avons assisté depuis le début de l’été, celui-ci est sans conteste le plus original. L’un des moins fréquentés également : 170 personnes – originaires de France, du Royaume Uni, d’Allemagne et d’Espagne - sont attendues par Nathalia Petkova, une DJ bulgare de musique techno vivant à Londres depuis huit ans. C’est précisément dans la capitale britannique qu’ont eu lieu les cinq premières éditions de cette manifestation mêlant musique électronique, projections audiovisuelles et méditation. « Il existe plein d’événements pour chacune de ces disciplines, mais aucun où toutes seraient combinées dans un seul but : favoriser le bien-être personnel. En ce sens, Intrinsic est unique », explique la musicienne, elle-même adepte de yoga.

La DJ londonienne Gwenan. | Anaïs Kervella

C’est sur l’idée d’un fan basé en Dordogne que Nathalia Petkova a décidé de délocaliser sa manifestation dans la vallée des châteaux du Périgord noir. Le festival a investi le jardin que Joséphine Baker et son mari Jo Bouillon ont créé à la fin des années 1940 en contrebas de leur demeure, le château des Milandes. Du vivant de la chanteuse qui l’avait imaginé comme un « village du monde », le parc accueillit des spectacles et des conférences sur la paix et la fraternité.

Doté d’un restaurant et d’une piscine en forme de J, il est aujourd’hui un lieu voué à la culture et à l’éducation. Impossible de trouver meilleur endroit pour convier – à raison de 140 euros les trois jours, plus 330 euros la location d’une tente cinq places sur le camping attenant – une population avide d’expérience cognitive.

Séance de relaxation aquatique dans la piscine en forme de J, au pied du château des Milandes. | Anaïs Kervella

Ce qui a motivé Nathalia Petkova d’organiser un événement aussi singulier est d’échapper aux us et coutumes de la dance musique. La DJ s’est vite lassée des clubbeurs « qui n’écoutent pas la musique mais ne pensent qu’à danser », de ceux qui sont là « uniquement pour consommer des drogues » et des « promoteurs dont le seul but est de faire du fric ». « À un moment donné, je me suis demandé ce que je faisais là », confie-t-elle. À Intrinsic, aucune piste de danse n’a été installée ; aucune substance illicite n’est souhaitée par ailleurs sur le site, comme le réclament des affichettes.

Projection audiovisuelle pendant un concert. | Anaïs Kervella

On trouvera en revanche une programmation artistique principalement axée sur l’ambient, ce sous-genre de la musique électronique favorisant les atmosphères paisibles et contemplatives. Une vingtaine de DJ et de musiciens se succèdent, de midi à 5 h du matin, sur les trois scènes installées pour l’occasion, dont l’une dans l’ancien théâtre cubain imaginé par Joséphine Baker. Des experts en mapping vidéo – fresques lumineuses projetées sur des murs ou des structures en relief – s’activent à la nuit tombée.

La journée est occupée par un certain nombre d’activités de bien-être : séances de yoga, bains de gong, bols chantants tibétains, cérémonie du cacao, relaxation aquatique, récitation de mantras, exercices vocaux « dans l’esprit de sagesse inspiré par la rivière grecque Lousios » (dans laquelle Zeus fut lavé après sa naissance)… Le but : se reconnecter à sa propre énergie, débarrasser son subconscient de ses pensées négatives, évacuer stress et anxiété… Tout cela à travers « une expérimentation sans limite avec les arts », assène Nathalia Petkova.

Cérémonie du cacao dans le jardin de Joséphine Baker. | Anaïs Kervella

Il faudra sans doute attendre dimanche soir pour mesurer les effets du programme mis en place par la DJ sur les festivaliers. La première journée a montré ceux-ci plutôt disponibles et ouverts à l’invitation au farniente immersif proposé par Intrinsic. Comme disait une participante, allongée sur un gros coussin en toile de jute en attendant le set planant de Shcaa, un jeune DJ-guitariste français installé à Londres : « Est-ce qu’à un moment, on pourra sortir du sommeil ? »