Loup Bureau a été interpellé le 26 juillet à la frontière entre l’Irak et la Turquie. / LOUP BUREAU / TWITTER

La situation du journaliste Loup Bureau, incarcéré en Turquie depuis une semaine pour « participation à un groupe terroriste », pourrait s’aggraver. Le Français risque d’être transféré à la prison de Van, a l’est du pays, non loin de la frontière irakienne, a annoncé mardi 8 août son avocat, qui déplore une décision « scandaleuse » des autorités turques.

Un tel transfèrement aurait pour conséquence d’éloigner Loup Bureau de son avocat turc, installé à Sirnak, « à neuf heures de route de Van », alors qu’il est quasiment son seul contact avec le monde extérieur. Cette contrainte rendrait, en outre, beaucoup plus difficiles les démarches pour sa défense, le journaliste étant « poursuivi par le procureur de Sirnak » et l’affaire « confiée à un juge qui se trouve à Sirnak ». Son conseil, Martin Pradel, dénonce « une atteinte très grave au libre exercice de sa défense ».

« Les autorités se moquent de nous »

Selon les autorités turques, ce transfèrement dans une autre prison vise à offrir au journaliste de meilleures conditions de détention. Mais son père, Loïc Bureau, professeur en histoire-géographie, précise que son fils bénéficiait de conditions d’incarcération décentes, à savoir une cellule individuelle, un gardien parlant anglais, une télévision dans sa cellule diffusant une chaîne d’informations turque. Une situation qui laisse le sentiment à Loïc Bureau que « les autorités se moquent de nous ».

Loup Bureau, journaliste indépendant qui a notamment collaboré avec les médias TV5 Monde, Arte et Slate, avait été interpellé le 26 juillet à la frontière entre l’Irak et la Turquie. « Il s’est vu reprocher le fait de travailler sans autorisation en Turquie », rapporte son père.

Les autorités turques ont aussi découvert durant sa garde à vue que Loup Bureau avait réalisé en 2013 un reportage dans le nord de la Syrie. Le journaliste, aujourd’hui âgé de 27 ans, y rencontrait des populations kurdes ayant fait le choix de s’engager aux côtés des combattants kurdes syriens des YPG (un mouvement considéré comme une organisation terroriste par Ankara), qui luttent contre l’organisation Etat islamique.

« Une prise d’otage par un Etat voyou »

Les proches de Loup Bureau, qui ont lancé lundi une pétition réclamant la libération du journaliste, voient dans ce projet de transfèrement du journaliste un durcissement du bras de fer entre les autorités turques et les reporters occidentaux. Loïc Bureau évoque même une « décision politique » qui « dépasse largement le cas de mon fils », faisant un parallèle avec « une prise d’otage par un Etat voyou ».

L’avocat français demande aux autorités françaises d’intervenir contre ce projet de transfèrement, qui relève d’une simple décision administrative et non judiciaire. Dans un communiqué commun, les syndicats de journalistes français SNJ, SNJ-CGT et CFDT-Journalistes, soutenus par la Fédération européenne des journalistes (FEJ) et la Fédération internationale des journalistes (IFJ), ont exigé « que le gouvernement français mette tout en œuvre » pour obtenir sa libération. « Les propos convenus ne suffisent plus », disent-ils.

Après une prise de contact lundi avec le président de l’Assemblée nationale, Francois de Rugy, Loïc Bureau a déploré l’absence de réaction de l’Etat sur la situation de son fils.

« Un jeune journaliste est retenu de façon arbitraire en Turquie, on attend un minimum de la France, une prise de contact, une prise de position. Là, il n’y a rien ».