La Porsche victorieuse, n° 2, du trio Hartley-Bamber-Bernhard, le 18 juin au Mans (Sarthe). / RAPHAEL SO

On avait senti un malaise lors des derniers 24 Heures du Mans, en juin. A peine deux écuries, Porsche et Toyota, engagées en LMP1, la « catégorie reine ». Là c’est le coup de matraque sur le casque : Porsche a annoncé qu’elle se retirait ses prototypes du championnat du monde d’endurance (le WEC), dont les 24 Heures sont la course phare, pour s’orienter, à l’horizon 2019 ou 2020, vers le championnat de Formule électrique.

En cause, une fois encore, le Dieselgate, cette affaire de moteurs truqués qui minimisait les émissions de particules fines émises par certains véhicules du groupe Volkswagen. Une fraude qui devrait valoir au groupe VAG de payer une amende record aux Etats-Unis, et a déjà provoqué le double retrait d’Audi, du championnat des rallyes et du WEC, il y a un an. Le maintien de la marque Porsche en GT apparaît, de fait, comme un lot de consolation. D’autant que, trois jours auparavant, Bykolles, seule écurie privée actuellement en LMP1 (Le Mans Prototypes 1, catégorie reine de l’endurance), confirmait qu’elle ne participerait pas à la seconde partie de saison, officiellement pour préparer la suivante.

Les 24 Heures du Mans ont en effet la particularité de faire courir, lors d’une même course, plusieurs catégories : les prototypes hybrides LMP1, les LMP2 juste en dessous, mais aussi des voitures Grand tourisme (GT) « pro » (professionnels) et « Am », pour amateurs. Il ne devrait donc rester qu’un seul constructeur l’année prochaine en LMP1.

Décision logique

Depuis le départ d’Audi, fin 2015, les LMP1 sont à la peine. Un appauvrissement que l’Automobile Club de l’ouest (ACO), organisateur et promoteur de l’épreuve historique de la Sarthe, avait tenté de compenser en autorisant les LMP2 à un surcroît de puissance de 100 chevaux. Au risque de voir deux LMP2 de l’écurie Jacky Chan DC Racing, l’emporter en juin… Jusqu’à ce qu’une LMP1 ne parvienne, in extremis, à s’imposer : la Porsche n° 2 du trio Hartley-Bamber-Bernhard.

Même sportivement, la décision de Porsche apparaît logique. Après 18 victoires et un retour gagnant organisé en 2014, Porsche n’a plus rien à prouver. A l’opposé, Toyota qui se retrouverait seule en piste dans sa catégorie, pourrait enfin décrocher la victoire qu’elle n’a jamais réussi à conquérir en 19 participations. Mais sans rivale, quel intérêt ?

Le WEC en péril

Plus globalement, c’est le jeune championnat du monde d’endurance – âgé de 5 ans – qui se trouve au mieux fragilisé, au pire en péril. Outre les 24 Heures, le WEC est en effet constitué de 8 courses de 6 heures, programmées de mi-avril à mi-décembre, à Silverstone (Royaume-Uni), Spa (Belgique), Nurburgring (Allemagne), Mexico, Austin (Etats-Unis), Fuji (Japon), Shanghai (Chine) et Bahreïn. Sorte de demi-championnat, son agenda permet à certains de ses pilotes de participer, en parallèle, à l’encore plus jeune (3 ans) championnat du monde de Formule E. C’est notamment le cas de Jean-Eric Vergne (Techeetah), du Brésilien Nelson Piquet Jr (Nextev), de Nicolas Prost, fils d’Alain, ou du Suisse Sébastien Buemi, tous deux chez eDams-Renault. Ce dernier, champion 2015-2016, vient de terminer deuxième du championnat 2016-2017 de FE qui s’est achevé, il faut le reconnaître dans une certaine indifférence, par la double course des 29 et 30 juillet à Montréal, sur un nouveau tracé au cœur de la ville, derrière son rival Lucas Di Grassi (Audi Sport Abt). Mais les choses pourraient changer, les notoriétés s’inverser.

Le leader du championnat de FE Lucas di Grassi (Audi-Abt-Schaeffler), couronné sur le nouveau circuit de Montréal, le 30 juillet. / RYAN REMIORZ / AP

La FE, une bonne image accessible

Audi, qui signe ainsi une arrivée gagnante en Formule E, alors qu’elle a par avance signalé sa montée en puissance en monoplaces électriques. Un engagement en FE, également programmé par BMW et Mercedes, qui a le double avantage de surfer sur la bonne image du tout électrique et d’être financièrement très accessible.

C’est justement ce que l’on reproche au WEC en général et aux 24 Heures du Mans en particulier : son coût, surtout en LMP1. Le président de l’ACO Pierre Fillon, frère de François, s’était d’ailleurs engagé à revoir la note à la baisse afin d’attirer de nouveaux constructeurs vers la course manselle. Lorsque Audi a quitté le WEC, le directeur de Peugeot Sport Bruno Famin réclamait une baisse du ticket d’entrée de 50 % pour s’intéresser au Mans. Où en sont les négociations ?

Accident spectaculare le 29 juillet à Montréal pour le pilote eDams-Renault Sébastien Buemi, qui perd toute chance de conquérir le titre mondial. / TOM BOLAND / AP

Dans son communiqué officiel du 28 juillet, Pierre Fillon « regrette la brutalité de [la] décision » de Porsche et promet un « Championnat du Monde 2018 inédit (…), de nature à enthousiasmer l’ensemble des compétiteurs du paddock, des partenaires et des fans de l’endurance. » Des déclarations en ce sens sont annoncées pour les 6 Heures de Mexico, le 3 septembre.