Nicolas Maduro, président du Venezuela et Raul Castro, président cubain, à La Havane, le 10 avril 2017. / YAMIL LAGE / AFP

La Havane prétend ne pas vouloir laisser le pouvoir, seul, à Caracas face au « harcèlement international » dont il est victime, selon La Havane.

Dans une lettre le félicitant avec « une immense joie révolutionnaire » pour l’élection et l’installation récente d’une Assemblée constituante controversée, Raul Castro a assuré à M. Maduro que « les Cubains seront à l’avant-garde de la solidarité militante » du bloc socialiste latino-américain et resteront « engagés en faveur de (sa) cause ». « Des jours de lutte acharnée, de harcèlement international, de blocus et de privations sont à venir, mais tu ne seras pas seul », a-t-il insisté à l’adresse du président socialiste dans ce courrier lu sur l’antenne de la télévision d’Etat cubaine.

Confronté à une vague de contestation ayant déjà fait 125 morts depuis quatre mois, Nicolas Maduro se trouve de plus en plus isolé par la communauté internationale. Il a notamment déclenché l’ire de nombreux pays et de l’Onu en tentant de reprendre en main les institutions de son pays avec l’installation d’une Assemblée constituante qui menace le Parlement contrôlé par l’opposition.

Soutien inconditionnel du successeur de Hugo Chavez (président de 1999 à 2013), le Cuba de Raul Castro avait rejeté fin juillet toute participation à une médiation au Venezuela, arguant de la légitimité du président Maduro. Allié politique du gouvernement socialiste vénézuélien, La Havane est fortement dépendante des livraisons de pétrole de Caracas, concédé à des conditions favorables et payé en grande partie avec l’envoi de médecins cubains au Venezuela.

Sanctions financières américaines

De leur côté, les Etats-Unis ont infligé de nouvelles sanctions financières au Venezuela, accroissant la pression. Huit responsables, dont un frère du défunt Hugo Chavez (président de 1999 à 2013), impliqués dans la récente mise en place de l’Assemblée constituante sont visés par ces mesures annoncées mercredi.

« Ce régime est inacceptable et les Etats-Unis se tiendront au côté de l’opposition (qui se bat) contre la tyrannie jusqu’à ce que le Venezuela restaure une démocratie prospère et pacifique », a assuré dans un communiqué le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin. « Tous les biens de ces individus sont gelés aux Etats-Unis et les citoyens américains ont pour interdiction de commercer avec eux », a précisé le Trésor.

Le 31 juillet, Washington avait déjà imposé des sanctions juridiques et financières sans précédent contre le président Maduro, alors qualifié de « dictateur ». « Quand a-t-on vu dans l’histoire des relations internationales qu’une puissance condamne des citoyens pour avoir organisé des élections ? », a réagi le ministre des Affaires étrangères vénézuélien Jorge Arreaza. « Ils ne respectent aucun principe élémentaire du droit international. Ils se ridiculisent devant le monde entier. Le Venezuela ne peut être sanctionné par rien ni par personne », a-t-il ajouté.

Climat de défiance

Dans la matinée, le Parlement vénézuélien, seule institution contrôlée par l’opposition, a siégé dans un climat de défiance vis-à-vis de l’Assemblée constituante, installée au sein même du bâtiment législatif. « Nous sommes à l’Assemblée, en train d’occuper et de défendre la position législative que nous ont octroyée 14 millions de Vénézuéliens », a tweeté le député d’opposition Miguel Pizarro.

La Constituante a approuvé mardi une « commission de la vérité » chargée de se pencher sur les cas de violences politiques depuis 1999 et appelée par M. Maduro à lever l’immunité des députés du camp adverse pour pouvoir les envoyer en prison. L’opposition, qui voit dans cette assemblée une tactique du président pour prolonger son mandat au-delà de 2019, redoute une « chasse aux sorcières ».

La Cour suprême a déjà condamné à quinze mois de prison le maire d’un district de Caracas considéré comme un bastion de l’opposition, pour ne pas avoir empêché des manifestations. Et la Constituante a destitué la procureure générale Luisa Ortega, très critique envers le chef de l’Etat. Le Parlement lui-même pourrait être dissous, l’assemblée chargée de réécrire la Constitution de 1999 ayant également ce pouvoir.

Découragement

Ces dernières semaines, les Etats-Unis, le Vatican, l’ONU et l’Union européenne ont fustigé la radicalisation du gouvernement vénézuélien. Mais rien n’y fait : le président Maduro, élu en 2013, reste sourd à ces mises en garde, s’appuyant sur le soutien crucial de l’armée et de ses quelques alliés comme la Russie et la Chine, ses créanciers, ainsi que Cuba, la Bolivie ou encore l’Equateur.

Le pays, autrefois le plus riche d’Amérique du Sud en raison de ses immenses réserves pétrolières, a été ruiné par la chute des cours du brut, entraînant la colère des habitants lassés de l’inflation vertigineuse et des rayons vides des supermarchés et pharmacies. Cette exaspération populaire avait permis fin 2015 la large victoire de l’opposition aux élections législatives.

Mais le bastion conquis semble chaque jour plus fragile, et après avoir mobilisé les foules presque chaque jour depuis début avril, l’opposition peine désormais à organiser de grandes manifestations. Mardi, ils n’étaient qu’une petite centaine à participer à son blocage des rues, signe sans doute d’un certain découragement après avoir échoué à empêcher la Constituante.

Après avoir hésité, elle a décidé finalement mercredi d’inscrire des candidats aux élections régionales du 10 décembre. Fustigeant « la plus grande fraude de l’Histoire », la coalition de la Table pour l’unité démocratique (MUD, centre droit) avait refusé de participer à l’élection de la Constituante le 30 juillet, laissant le champ libre au chavisme, dont sont issus la totalité des 545 membres.