LES CHOIX DE LA MATINALE

Au programme, cette semaine, le retour de Paula Hawkins avec un thriller oppressant, un polar qui n’en est pas vraiment un et l’évocation d’une cité mythique et endormie.

ROMAN. « Au fond de l’eau », de Paula Hawkins

SONATINE

La Britannique Paula Hawkins, 44 ans, a écoulé 20 millions d’exemplaires de La Fille du train, traduit dans une quarantaine de langues. Un premier roman qui, après avoir été adapté au cinéma avec Emily Blunt, poursuit son sillon en poche (Pocket, 456 p., 7,80 €). Voici maintenant Au fond de l’eau, thriller aussi tendu de suspense d’un bout à l’autre, avec lequel l’écrivaine aborde les violences faites aux femmes.

Après Rachel, la chômeuse alcoolo de La Fille du train, le personnage principal est Nel Abott, mère célibataire, sa fille Lena, 15 ans, et sa sœur Julia, dite « Jules », 30 ans. Au fond de l’eau est centré sur un lieu-dit du nord de l’Angleterre, le Bassin aux noyées, où étaient condamnées à mourir au XVIIe siècle les femmes que l’on soupçonnait de sorcellerie ou d’adultère.

S’il s’agit d’un roman se déroulant au sein d’une communauté rurale, donc aux antipodes de la ville de Londres et sa banlieue traversées par La Fille du train, les deux récits partagent un point commun – une narration à multiples points de vue pour cerner une réalité aussi friable que complexe –, et une obsession : la mémoire et les processus involontaires de transfiguration. Macha Sery

Au fond de l’eau (Into the Water), de Paula Hawkins, traduit de l’anglais par Corinne Daniellot et Pierre Szczeciner, Sonatine, 432 p., 22 €.

ROMAN. « Le Polar de l’été », de Luc Chomarat

LA MANUFACTURE DE LIVRES

Avec Le Polar de l’été, Luc Chomarat, l’auteur de L’Espion qui venait du livre (Rivages, « Noir », 2014) et d’Un trou dans la toile (Rivages, « Noir », Grand Prix de littérature policière 2016) signe une autofiction en trompe-l’œil. Le titre est l’objet du livre, pas sa nature. Ici, aucun crime, pas d’énigme à résoudre sinon de nature existentielle. Le « polar de l’été », c’est la catégorie enviable car fort lucrative à laquelle aspire le narrateur qui passe des vacances sur l’île de Ré.

A défaut d’écrire un best-seller de toutes pièces, l’écrivain a une idée : proposer un plagiat de Pas de vacances pour les durs, d’un dénommé Paul Terreneuve, un vieux polar oublié et indisponible que possédait son père. Reste à mettre la main dessus… Un pèlerinage sur les lieux de son enfance au cours duquel il revoit sa mère qu’il a négligée, puis son ex-compagne, mère de son fils aîné. Un roman initiatique et réjouissant – dans lequel le livre disparu assume le rôle de fil d’Ariane – sur la crise de la quarantaine et la notion de succès littéraire. M. S.

Le Polar de l’été, de Luc Chomarat, La Manufacture de livres, 204 p., 16,90 €.

HISTOIRE. « Odessa. Splendeur et tragédie d’une cité des rêves », de Charles King

PAYOT

La mer Noire, c’est le monde de Charles King, la source de ses travaux d’historien. Après une formidable biographie d’Istanbul traduite sous le titre Minuit au Pera Palace (Payot, 2016), on peut se plonger dans Odessa et y retrouver le don de l’auteur pour restituer des ambiances urbaines, fourmillantes et cosmopolites, bien qu’ici flotte un parfum de nostalgie propre à l’évocation d’une cité mythique et endormie.

La ville portuaire, fondée en 1794, se retrouva pendant la première guerre mondiale au croisement entre les vieux empires européens et les nouveaux Etats-nations et royaumes en passe de leur échapper. En suivant la courbe de l’histoire d’une ville « constamment menacée par sa personnalité bigarrée », King livre une belle histoire de cette région du monde. Julie Clarini

Odessa. Splendeur et tragédie d’une cité des rêves (Odessa. Genius and Death in a City of Dreams), de Charles King, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Odile Demange, Payot, 342 p., 24 €.