Ramil Guliyev (au centre), jeudi 10 août, en finale du 200 m, à Londres. / MATTHEW CHILDS / REUTERS

Jean-Marc Pontvianne n’a pas été la star de la soirée. En même temps, le triple sauteur français n’était pas vraiment attendu, et il a laissé le rôle de surprise au Turc Ramil Guliyev, vainqueur du 200 m. Du côté des cadors, l’Américain Christian Taylor s’est imposé au triple saut devant son compatriote Will Claye, tandis que Kori Carter, toujours pour les Etats-Unis, a remporté le 400 m haies.

  • La perf

Isaac Makwala ? Ou alors Wayde van Niekerk ? Finalement, ni l’un ni l’autre. La finale du 200 m n’a sacré ni le Botswanais, chouchou du public après le « Makwalagate », une sombre histoire de gastro-entérite, ni le Sud-Africain, en quête d’un doublé après sa victoire sur 400 m.

Le Turc Ramil Guliyev et ses impressionnants tatouages sont sortis du chapeau (20 s 11), au terme d’une dernière ligne droite où les favoris ont déçu. Il s’impose devant Wayde van Niekerk (20 s 11) et le Trinidadien Jereem Richards (20 s 11). Les deux hommes ont été séparés d’un millième de seconde, ce qui n’est pas beaucoup, précisons pour les non-spécialistes. Makwala, qui avait sorti ses gros biscottos la veille pour faire quelques pompes devant un public hilare, s’est figé dans les derniers mètres et termine sixième (20 s 44).

Si le palmarès de Guliyev n’était jusqu’à présent pas des plus clinquants - un doublé aux Jeux de la solidarité islamique en 2017 et des victoires en championnats des Balkans -, l’homme figurait tout de même parmi les principaux outsiders de la course. D’ailleurs, l’ancien sprinteur américain Michael Johnson l’avait bien senti venir, plusieurs heures avant la finale.

La « loco de Waco » reste donc le seul homme dans l’histoire des Mondiaux à avoir réussi le doublé 200 m-400 m. L’affaire remonte tout de même à Göteborg, en 1995.

La course de la soirée, comme quasiment toutes les épreuves de sprint depuis le début de ces Mondiaux, n’a pas atteint des sommets chronométriques. Avec 20 s 09, Guliyev a seulement couru deux centièmes de seconde plus vite qu’en finale des Mondiaux de Pékin, en 2015 (20 s 11), où sa performance ne lui avait valu qu’une sixième place. « Ce n’est pas une surprise, parce que je voulais gagner, a sobrement commenté le vainqueur du soir. Cette année, je savais que c’était possible. »

Naturalisé depuis 2011, il a effectué le tour d’honneur avec deux drapeaux : celui de la Turquie et celui de l’Azerbaïdjan, son pays de naissance. Mais qu’on n’aille pas dire au natif de Bakou qu’il s’agit là d’une victoire au rabais - ou à bas coût -, rien ne semblait pouvoir gâcher le plaisir du pourtant peu volubile Ramil Guliyev. Reste à savoir où il peut encore trouver de la place pour se tatouer un souvenir de sa victoire londonienne.

Sinon, c’est un détail, mais de taille, on se permettra juste de demander à Wikipedia de bien vérifier, mais il nous a semblé, jeudi soir, que Ramil Guliyev mesure un peu plus que les 147 centimètres que lui attribue l’encyclopédie participative. Vu les deux médailles d’or et d’argent aux « championnats du monde » qu’il affiche aussi sur la version française de l’encyclopédie collaborative, on se dit que sa fiche a peut-être été piratée. Le début de la rançon de la gloire ?

  • C’est (vite) vu

Johannes Vetter s’est facilement qualifié pour la finale du lancer du javelot. / Matthias Schrader / AP

Il y a Johannes Vetter et les autres. Au javelot, il a relégué la concurrence à près de 5 mètres. L’Allemand de 24 ans a lancé à 91,20 m à son premier essai. Vetter, dont le palmarès est vide (à l’exception d’une médaille aux… Jeux mondiaux militaires), ne visera rien d’autre que l’or samedi.

Christian Taylor, jeudi 10 août. / KAI PFAFFENBACH / REUTERS

Sous les yeux de Jonathan Edwards, Christian Taylor et Will Claye n’auront pas titillé le record du monde du Britannique (18,29 m). Mais les deux Américains se sont livrés une bataille à suspense, prenant tour à tour la première place d’un concours qu’ils ont largement dominé. Au final, c’est le double champion olympique Taylor - et donc déjà titré à Londres en 2012 -, qui l’emporte face à Claye, pour 5 petits centimètres (17,68m contre 17,63m). A noter que ce dernier n’a pas réédité son « exploit » de sauter avec une casquette, comme lors des séries préférant cette fois un bandeau. Mais rien n’y a fait.

  • Zone mixte

Mahiedine Mekhissi regarde la dernière série du 1 500 m pour savoir s’il se qualifie au temps.

« Cest mort ». Mahiedine Mekhissi a la mine des mauvais jours, affalé sur la barrière qui sépare les athlètes des journalistes. La dernière série du 1 500 m vient de s’achever et il sait qu’il ne se qualifiera pas pour la suite de la compétition. C’est l’ancien décathlonien Alain Blondel, consultant pour RTL, qui l’a convaincu d’attendre la fin de la course en zone mixte. Mais le steepler ne se faisait déjà guère d’illusion lorsqu’il a répondu à la presse quelques secondes plus tôt.

« J’y crois pas moi, j’y crois pas, mais on sait jamais. Vu le scénario de la course, je savais que c’était les six ou rien [les six premiers sont qualifiés directement]. Je fais septième. Ça passe à rien du tout, donc on peut dire qu’il m’a manqué un petit truc sur la fin. »

« J’ai abordé les séries comme une finale, d’ailleurs c’était une finale avant l’heure. Les séries ne sont pas équilibrées, il y avait du lourd dans ma course. On peut pas appeler ça une série. »

Mekhissi assume sa stratégie de course. Impossible selon lui de mener la course.

« Ça sert à quoi que je m’imprime un rythme ? J’ai quand même deux steeples dans les jambes… Si j’avais envie d’être frais pour une éventuelle finale, je ne pouvais pas me permettre de le faire. Comme j’ai un bon finish, je me suis dit on sait jamais. Sur la fin, j’ai pas mal zigzagué, c’est ce qui m’a déstabilisé. Enfin, j’ai pas été ridicule face aux gars. Je savais qu’aujourd’hui c’était roulette russe. Quoi dire de plus ? »

Eh bien peut-être une réaction avec le recul sur sa quatrième place au 3 000 m steeple, sa discipline de prédilection. Et il n’a pas fait dans la demi-mesure concernant son autocritique :

« C’est difficile de digérer une 4e place, je m’en veux. J’ai des regrets parce que j’ai été spectateur de la finale. J’ai regardé les mecs courir. En fait, j’ai couru comme un amateur, comme un petit. »

  • Les podiums

Triple saut masculin : 1. Christian Taylor (Etats-Unis) 2. Will Claye (Etats-Unis) 3. Nelson Evora (Portugal).

400 m haies féminin : 1. Kori Carter (Etats-Unis) 2. Dalilah Muhammad (Etats-Unis) 3. Ristananna Tracey (Jamaïque).

200 m masculin : 1. Ramil Guliyev (Turquie) 2. Wayde van Niekerk (Afrique du Sud) 3. Jereem Richards (Trinidad-et-Tobago).

  • Les prochaines finales (vendredi 11 août)

20 h 10 : saut en longueur féminin

21 h 30 : lancer de marteau masculin

22 h 25 : 3000 m steeple féminin

21 h 50 : 200 m masculin