Carla Del Fonte a fustigé le veto russe au Conseil de sécurité de l’ONU, alors que des preuves suffisantes existent, selon elle, pour condamner le dirigeant syrien pour crime de guerre. / LOUAI BESHARA / AFP

La commission d’enquête de l’Organisation des Nations unies (ONU) sur la Syrie aurait suffisamment de preuves pour condamner le président Assad pour crime de guerre. C’est ce qu’a affirmé Carla Del Ponte, qui vient de démissionner de son poste au sein de la commission, dans une interview aux médias suisses Le Matin Dimanche et SonntagsZeitung publiée dimanche 13 août.

Même si elle est « convaincue » que « les preuves sont suffisantes pour le condamner », la magistrate suisse de 70 ans a reconnu qu’en « raison du veto de la Russie au Conseil de sécurité de l’ONU sur la création d’un tribunal international, il n’y aura [it] ni accusation ni tribunal spécial pour l’instant ».

Pourtant, elle certifie que tout le « travail préparatoire » a été fait. Cette situation est « frustrante », « c’est une tragédie », poursuit-elle : « Sans justice en Syrie, il n’y aura jamais de paix et donc aucun avenir. »

« Je n’ai jamais vu un conflit aussi violent, dans lequel il y a autant d’enfants morts, torturés, décapités »

La commission d’enquête indépendante de l’ONU a été créée en août 2011 par le Conseil des droits de l’homme, soit quelques mois après le début du conflit syrien qui a aujourd’hui fait 330 000 morts et des millions de déplacés. Présidée par le Brésilien Paulo Pinheiro, elle a déjà rendu de nombreux rapports mais n’a jamais été autorisée par Damas à se rendre en Syrie.

Le gouvernement syrien a toujours démenti les informations de la commission, qui a pourtant documenté de nombreux crimes de guerre commis par les forces pro-gouvernementales et par les services de sécurité syriens.

L’ancienne procureure, qui avait rejoint la commission d’enquête en septembre 2012, a annoncé la semaine dernière sa démission, affirmant être « frustrée » face à un organe qui « ne fait absolument rien ». « Je n’ai jamais vu un conflit aussi violent, dans lequel il y a autant d’enfants morts, torturés, décapités », a assené celle qui a enquêté sur l’ex-Yougoslavie et sur le génocide rwandais. Elle précise que sa démission officielle interviendra le 18 septembre, date de la prochaine session de la commission.

« Ma démission est aussi une provocation »

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a estimé lundi que la commission d’enquête, qui ne comptera plus que deux membres après le départ de Carla Del Ponte, devait poursuivre ses travaux malgré la démission de l’un de ses membres éminents.

« Ma démission est aussi une provocation », a estimé Mme Del Ponte. « Elle doit servir à mettre la pression sur le Conseil de sécurité, qui doit rendre justice aux victimes. » La magistrate estime depuis plusieurs années que tous les acteurs du conflit se sont désormais livrés à des crimes de guerre. Si un tribunal pour la Syrie devait voir le jour, l’ancienne procureure s’est dit prête à le diriger.