Le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, a lancé dimanche 13 août le débat sur le sujet délicat de l’égalité entre femmes et hommes en matière d’héritage, jugeant que son pays se dirigeait inexorablement vers l’égalité « dans tous les domaines ». Il s’exprimait à l’occasion de la « Fête de la femme » en Tunisie, qui célèbre tous les 13 août la promulgation en 1956 du Code du statut personnel (CSP), un texte qui a accordé plusieurs droits aux femmes et a aboli la polygamie et la répudiation. Depuis, la Tunisie est considérée comme pionnière dans le monde arabe en matière de droits des femmes, même si ces dernières continuent d’hériter généralement uniquement de la moitié de ce qui revient aux hommes, comme le prévoit le Coran.

« Nous avons une Constitution [stipulant] que l’Etat est civil, mais tout le monde sait que notre peuple est musulman […] et nous ne voulons pas aller dans des réformes qui choqueraient le peuple tunisien », a dit le chef de l’Etat dans un discours devant le gouvernement et un parterre d’invités. « Mais il faut que nous disions que nous allons vers l’égalité entre eux [hommes et femmes] dans tous les domaines. Et toute la question réside dans l’héritage », a-t-il ajouté. Le président a annoncé avoir formé une commission chargée d’étudier « la question des libertés individuelles » et celle de « l’égalité dans tous les domaines », qui doit lui remettre un rapport à une date qui n’a pas été spécifiée.

Une question très sensible

« J’ai confiance dans l’intelligence des Tunisiens et dans les hommes de loi. Nous allons trouver la formulation qui ne choquera pas les sentiments d’un certain nombre de citoyens et de citoyennes et qui fera en sorte qu’il n’y ait pas d’injustice » à l’égard des femmes, a-t-il affirmé. Béji Caïd Essebsi a aussi annoncé avoir demandé au gouvernement de retirer une circulaire datant de 1973 et empêchant le mariage des Tunisiennes musulmanes avec des non-musulmans. Des organisations de la société civile ont ces derniers mois lancé une campagne sur cette question et une plainte a été déposée auprès du tribunal administratif pour annuler la circulaire.

La question de l’égalité entre hommes et femmes en matière d’héritage reste une question très sensible en Tunisie. L’an dernier, un député devenu aujourd’hui ministre, Mehdi Ben Gharbia, avait présenté une proposition de loi visant à faciliter l’égalité en matière d’héritage. Le mufti de la République, la plus haute autorité religieuse musulmane du pays, s’y était aussitôt opposé.

La nouvelle Constitution adoptée en 2014 stipule que les « citoyens et citoyennes sont égaux en droits et devoirs ». Mais les femmes restent victimes de discriminations dans de nombreux domaines et plusieurs militants des droits humains appellent à une évolution des mentalités. Le 26 juillet, après de longs débats et tractations, le Parlement tunisien avait voté à l’unanimité des 146 députés présents (sur 217 élus) une loi très attendue pour lutter contre les violences faites aux femmes. Le texte renforce notamment la protection des victimes et abolit des dispositions jugées rétrogrades.