Donald Trump accuse l’alt-right d’avoir sa part de responsabilité dans les violences à Charlottesville. Pourtant, une femme est morte, percutée par un conducteur néonazi. | KEVIN LAMARQUE / REUTERS

Qu’est-ce donc bien que l’alt-left ? La question agite bien des observateurs depuis mardi 15 août, quand dans un discours sur les violences meurtrières de Charlottesville, Donald Trump a tenté de minimiser le rôle des manifestants suprémacistes et néonazis. Le président américain a souligné la responsabilité, en face, d’une alt-left qu’il a accusée d’avoir été aussi violente :

« J’ai regardé de très près, de beaucoup plus près que la plupart des gens. Vous aviez un groupe d’un côté qui était agressif. Et vous aviez un groupe de l’autre côté qui était aussi très violent. Personne ne veut le dire. Que dire de l’alt-left qui a attaqué l’alt-right comme vous dites ? N’ont-ils pas une part de responsabilité ? »

Si l’alt-right, mouvance d’extrême droite anglophone ultraconnectée, a connu une importante médiatisation lors de la présidentielle de 2016, durant laquelle elle a activement soutenu Donald Trump, l’alt-left est bien moins connue. Et pour cause, ce prétendu courant n’a pas de définition, ne fait référence à aucune organisation et n’a pas de socle idéologique stable. A quoi donc fait référence Donald Trump ?

Diabolisation de l’adversaire

Cette alt-left correspond surtout à une construction de l’extrême droite américaine, qui agrège volontiers les mouvements antiracistes, des groupes de gauche, des associations féministes ou de défense des droits civiques. David Duke, ancien leader du Ku Kux Klan et soutien de Donald Trump, définit ainsi la prétendue alt-left comme des « communistes antifascistes/Black Lives Matter qui ont brûlé des cités, assassiné des policiers et en ont vicieusement attaqué des centaines ».

Sa mention par les tenants de l’alt-right rentre dans une logique de « fausse équivalence », une stratégie consistant à mettre en scène des comparaisons, sans tenir compte du contexte politique ou des faits historiques.

Dès l’émergence auprès du grand public de l’alt-right à l’automne 2016, le terme alt-left a en fait servi d’épouvantail aux soutiens de Donald Trump. « L’alt-left CNN/MSNBC/New York Times/Washington Post recommence. Tous ceux que Trump nomme [à son gouvernement] sont immédiatement qualifiés de suprémacistes blancs », taclait ainsi sur Twitter l’animateur radio conservateur et soutien revendiqué du nouveau président américain, Mark Simone, en décembre 2016.

« Une expression créée de toutes pièces »

Mark Pitcavage, analyste de l’anti-Defamation League, interrogé par le New York Times, souligne que le terme ne renvoie historiquement à aucun groupe, mais sert à créer une équivalence entre l’extrême droite « et tout ce qui a l’air vaguement de gauche et qui ne plaît pas à celle-ci. Et de préciser : Il s’agit juste d’une expression créée de toutes pièces, un peu comme les gens qui qualifient les articles qui ne leur siéent pas de “fake news”. »

La réalité de l’alt-left, elle, est quasi inexistante. Il y a bien eu des tentatives de donner le change à l’alt-right en en reprenant la stratégie et les codes. C’est ainsi qu’apparaît fin 2016 une sous-catégorie dédiée sur Reddit, le forum anglophone le plus fréquenté au monde. Mais son premier message consiste à se demander… ce qu’alt-left doit recouvrir comme signification.

Ironiquement, Donald Trump lui-même n’a pas toujours utilisé le terme alt-left de manière péjorative. En mai dernier, il l’appliquait à son controversé stratège, le néoconservateur et libertarien Steve Bannon, président du site d’extrême droite Breitbart. Il l’utilisait alors pour décrire « un type très bien ».