La ministre des affaires étrangères canadienne, Chrystia Freeland, et le secrétaire d’Etat à l’économie mexicain, Ildefonso Guajardo Villarreal, avant le premier round des négocations à Washington. / JOSHUA ROBERTS / REUTERS

Donald Trump en a fait une priorité de sa politique. Les Etats-Unis, le Canada et le Mexique doivent entamer mercredi 16 août les discussions pour renégocier le traité de libre-échange nord-américain (Alena), à la demande du président américain. Les négociateurs des trois pays seront réunis jusqu’à dimanche soir à Washington pour moderniser cet accord commercial.

En vigueur depuis 1994, il est à l’origine d’une forte intensification des échanges commerciaux. Mais les Etats-Unis ne le voient plus d’un bon œil. Le président américain n’a eu de cesse de dénoncer l’Alena comme « un désastre », lui attribuant la responsabilité de nombreuses disparitions d’emplois aux Etats-Unis.

« Nous sommes en train de renégocier les accords commerciaux pour qu’ils soient bons pour les travailleurs américains. Il était temps », a déclaré Donald Trump à l’avant-veille de l’ouverture des négociations. Une partie de l’opposition démocrate le soutient sur cette question. L’une des parlementaires de ce parti, Rosa DeLauro, a affirmé mardi que « l’Alena est directement responsable de la délocalisation d’un million d’emplois bien rémunérés ».

Déficit commercial avec le Mexique

Pour Washington, le problème principal est celui du déséquilibre de sa balance commerciale avec le Mexique. Depuis la signature du traité, les Etats-Unis sont passés d’un excédent commercial de 1,6 milliard de dollars à un déficit de 64 milliards de dollars avec Mexico. « Le déficit est un problème de taille auquel nous devrons nous attaquer », a fait savoir mardi un responsable du ministère du commerce américain, sous couvert d’anonymat.

Le point de départ de la renégociation de l’Alena est de parvenir à « un accord commercial plus équilibré favorable aux emplois bien rémunérés pour les Américains et contribuant à la croissance économique des Etats-Unis », a insisté le responsable américain du ministère du commerce.

Une question épineuse quand on sait que la zone de libre-échange est devenue vitale pour l’économie mexicaine : 80 % des exportations du pays, essentiellement des biens manufacturiers comme les voitures mais aussi des produits agricoles, sont destinées aux Etats-Unis. « Le déficit est lié à une situation macroéconomique : les Etats-Unis sont une économie qui dépense plus qu’elle ne produit », a d’ailleurs fait valoir Jaime Zabludovsky, qui avait négocié l’accord original pour la partie mexicaine.

« Des moments dramatiques »

Avec le Canada, qui est à la fois le plus grand client et le plus grand fournisseur d’énergie des Etats-Unis, le débat devrait être plus apaisé. Les échanges commerciaux entre les deux pays ont doublé grâce à l’Alena, mais restent globalement équilibrés.

« Ces négociations marquent un moment très sérieux et lourd de conséquences pour nous tous », a néanmoins relevé lundi la ministre canadienne des affaires étrangères, Chrystie Freeland, qui n’a pas exclu de « vivre des moments dramatiques » lors de ces discussions. Les négociateurs canadiens seront à Washington avec une attitude constructive mais ferme, a-t-elle insisté, notant que « la politesse et la force ne sont pas contradictoires ». « Nous nous engageons à conclure un bon accord, pas n’importe quel accord », a-t-elle résumé.

Un point pourrait cristalliser les tensions : la révision du mécanisme de règlement des litiges commerciaux, connu sous le nom de « chapitre XIX », qui permet d’arbitrer les différends en matière de droits compensateurs et de dumping. Les Etats-Unis entendent supprimer ce dispositif qui, jusqu’à présent, a été favorable au Canada sur le contentieux du bois de construction.

Ce litige a connu de nombreux rebondissements depuis 1983, les producteurs américains accusant leurs homologues canadiens d’exporter ce bois aux Etats-Unis à un prix inférieur aux coûts de production.

Sur la question du « chapitre XIX », Canadiens et Mexicains feront bloc face aux Etats-Unis. Ce mécanisme garantit « neutralité et objectivité au moment de résoudre un contentieux et il évite que ces questions ne soient traitées devant un tribunal américain, canadien ou mexicain », a commenté Ernesto Cordero, sénateur mexicain du Parti action nationale, parti d’opposition.

Les discussions de cette semaine constituent le premier volet d’une série organisée à tour de rôle dans les trois pays. Le deuxième round aura lieu au Mexique, le 5 septembre, avant le troisième au Canada à une date non communiquée. Malgré les nombreux points de divergence, les Américains comptent aller vite. « Nous avons un agenda très agressif pour cette négociation », a déclaré le responsable américain.