« Je suis clair à 100 %. L’organisation d’un événement tel qu’une parade est illégale selon mon jugement et, par conséquent, ne doit pas se dérouler. » Lundi 14 août, la conversation entre Kasha Jacqueline Nabagesera, militante ougandaise des droits des LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels), et le révérend Simon Lokodo, ministre de l’éthique et de l’intégrité, a duré plus de quinze minutes et le ton est monté à plusieurs reprises.

Connu pour la virulence de ses discours à l’encontre de la communauté LGBT, le révérend menaçait d’arrestation, depuis deux semaines déjà, les leaders du mouvement s’ils s’obstinaient à organiser une nouvelle parade des fiertés samedi 19 août. Il avait même averti qu’il s’en prendrait physiquement à l’une d’entre elles s’il la rencontrait, précisent les organisateurs de la Pride 2017.

La communauté LGBT ougandaise avait pourtant pris les devants, jouant la discrétion absolue. Du mercredi 16 au vendredi 18 août, elle avait programmé une série de festivités, avertissant les journalistes au dernier moment. Toute mention sur les réseaux sociaux était par ailleurs proscrite. Mais ces précautions n’ont pas suffi. Mercredi matin, affirment les organisateurs, la police – qui n’a pour le moment ni confirmé, ni infirmé cette opération – a investi le lieu où devait se dérouler le gala d’ouverture.

« Une décision dure à prendre »

« Ils ont interdit l’événement en prétextant que nous étions en train de “recruter” », déplore Kasha Jacqueline Nabagesera. Plus tard dans la journée, alors que des discussions étaient en cours avec les forces de l’ordre, celles-ci auraient investi tous les autres lieux où devaient se dérouler les événements, selon les organisateurs, ce qui les a incités à tout annuler, en particulier la parade de samedi. « C’était une décision très dure à prendre, mais à la fin, nous devons penser à la sécurité de la communauté », poursuit Kasha Nabagesera.

L’année dernière, déjà, une descente de police musclée lors d’un événement organisé par la communauté LGBT avait poussé les leaders du mouvement à repousser la date de la Gay Pride. Elle avait finalement partiellement eu lieu au bord du lac Victoria, même si elle avait été une fois encore interrompue par la police. Pour le moment, l’organisation d’une nouvelle parade n’est pas d’actualité, selon Kasha Jacqueline Nabagesera : « Organiser tous ces événements nous a pris beaucoup d’énergie, explique-t-elle. Mais nous allons revenir. »

En dépit de l’abandon en 2013 d’une loi particulièrement homophobe (peine de prison à vie et obligation à la délation), l’homosexualité est toujours passible de prison en Ouganda. Plusieurs personnalités politiques, dont la présidente du Parlement, se sont récemment prononcées pour l’adoption d’une nouvelle loi plus répressive.

Ouganda : Gay Pride sur les rives du lac Victoria
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