Situé en bord de rails, l’Hôtel Belvédère du Rayon Vert, imaginé par Léon Baille, était une halte huppée, avant de passer la frontière espagnole, au début des années 30. Oublié et désafecté, il accueille chaque année un festival de cinéma. / JMM/COVER/GETTY

Un navire affalé en bord de rails. Imaginé par Léon Baille dans le style Art déco « paquebot », cet ovni architectural de béton et d’acier surplombe le petit port de pêche de Cerbère, à la pointe sud-est des Pyrénées-Orientales. A l’époque de sa construction, entre 1928 et 1932, le franchissement de la frontière franco-espagnole nécessitait de longues formalités douanières : arrivés en gare de Cerbère au petit matin, les voyageurs attendaient le précieux sésame toute la journée, voire plus, avant de reprendre la route.

L’Hôtel Belvédère du Rayon Vert constituait une halte bienvenue pour cette clientèle huppée, peu désireuse de patienter en gare. A disposition, 25 chambres, mais aussi et surtout de quoi se divertir : un restaurant panoramique, un salon de lecture, un casino, un bar, une salle de théâtre et de cinéma et même un court de tennis, sur l’immense toit-terrasse cerné de filets, pour retenir les balles…

Une salle de cinéma endormie

En 1936, la guerre d’Espagne signe la fin de la période faste. L’établissement est réquisitionné par les Allemands en 1941. Si, dans les années 1950, on y vient de nouveau chanter et danser, le Belvédère périclite au fil des années 1970-1980. Certains souhaiteront même la démolition de cette « verrue ». Aujourd’hui, sur les murs de l’ancien restaurant, des peintures d’artiste un peu effacées donnent à l’endroit des airs mélancoliques de ruine antique. Décor de clip et de film, la salle de cinéma semble s’être enfoncée, elle aussi, dans un profond sommeil. Chaque année, en octobre, elle reprend des couleurs, avec les Rencontres cinématographiques de Cerbère-Portbou – les spectateurs racontent comment, par instants, se mêle à la bande-son des films projetés le vrombissement des trains qui filent quelques étages plus bas vers l’Espagne, confondant ainsi fiction et réel.

Des appartements peuvent encore être loués. Mais la dégradation des lieux est telle que Jean-Charles Sin, l’arrière-petit-fils du premier propriétaire, n’a d’autre choix que de restaurer doucement ce trésor familial, classé depuis 2002.

Y aller

Depuis Perpignan compter une heure en voiture ou quarante minutes en train
jusqu’à l’Avenue de la Côte-Vermeille.

Sur place Visites possibles chaque jour à 15 h, sur réservation uniquement. Contact : 04-68-88-41-54. Tarif : 5 € (aide à la rénovation).