Dans les locaux d’Août secours alimentaire le 7 août. / FRED DUFOUR / AFP

Christiane, 78 ans, est la première de la longue file d’attente qui s’est formée, en cette mi-août, devant les locaux paroissiaux de Notre-Dame de Clignancourt (18e arrondissement de Paris). A 16 h 30, les portes de ce local, prêté pour quelques semaines à l’association Août Secours Alimentaire (ASA), s’ouvrent sur une grande salle où, depuis une quinzaine d’années, elle distribue des colis alimentaires au nom des 80 associations caritatives – dont le Secours catholique, la Croix-Rouge, les Restos du cœur – qui la mandatent pour assurer cette permanence en août, quand toutes les autres ferment.

Durant deux heures, trois fois par semaine, environ cinq cents personnes s’approvisionnent ici : les sacs bleus pour les familles qui peuvent cuisiner, les roses pour les autres familles, les blancs pour les personnes seules. Pendant que les parents font leurs courses, les enfants dessinent, jouent et goûtent d’une pâtisserie et d’un verre d’eau. « Cela fait trois ans que, encouragée par une amie, j’ai sauté le pas et je viens pour compléter mes courses, confie Christiane, qui vit avec sa maman de 99 ans et héberge parfois ses petits-fils. Car avec ma retraite de 1 050 euros, une fois le loyer et les charges payés, il ne me reste que 150 euros », raconte cette ouvrière qui a exercé mille métiers, de couturière pour un fourreur – « Mes enfants dormaient parfois dans le vison… » – à maçonne ou carreleuse au côté de son mari entrepreneur. Christiane repart son chariot plein, espérant qu’une main secourable l’aidera à le hisser dans l’autobus…

Ni trop ni trop peu

Islam, jeune étudiant et demandeur d’asile de nationalité afghane, arrive, lui, de Garges-lès-Gonesse, où il vit à l’hôtel, en famille : « Là-bas, tous les centres de distribution sont fermés l’été. » Deux grands paniers à roulettes contiennent à peine toutes les boîtes de conserve savamment rangées qu’il va rapporter.

« Nous essayons d’équilibrer les menus mais, aujourd’hui, ça manque un peu de protéines », déplore Gérard Laur, vice-président de l’ASA. L’association se fournit à trois sources : la Banque alimentaire, la « ramasse » – soit la collecte des invendus de supermarchés de la région – et, pour compléter, l’achat direct auprès d’une grande centrale de distribution. « A mi-août, sur un budget de 500 000 euros, il nous manque 120 000 euros pour finir la saison, car, chaque année, nous recevons de plus en plus de bénéficiaires », précise M. Laur.

Philippe Brouant, directeur des neuf sites de l’ASA en Ile-de-France qui auront, cette année, distribué l’équivalent de 700 000 repas, surveille, inquiet, les opérations, espérant n’avoir prévu ni trop ni trop peu. A Notre-Dame de Clignancourt, une trentaine de bénévoles ont préparé les milliers de colis multicolores. Dans chacun, des conserves qu’ils complètent de produits frais, pêches, raisin, bananes, lait, rares tomates et légumes verts, dont, aujourd’hui, des champignons et des côtes de bettes qui déconcertent une maman africaine : à la sortie, sur le trottoir, le troc s’organise et ces « légumes non identifiés » changent vite de main.