L’opposition avait eu son son conclave de Genval, lorsque en juin 2016 des personnalités politiques de la République démocratique du Congo (RDC) s’étaient retrouvées dans la banlieue de Bruxelles pour annoncer leur rassemblement derrière la figure tutélaire d’Etienne Tshisekedi et promettre à Joseph Kabila un départ du pouvoir d’ici la fin de l’année.

Plus d’un an plus tard, alors que Joseph Kabila est toujours installé à la présidence, que la dépouille d’Etienne Tshisekedi attend depuis près de six mois d’être mise en terre et que le front commun de l’opposition s’est délité devant les manœuvres du régime de Kinshasa, des organisations de la société civile se sont retrouvées dans un hôtel de Chantilly, non loin de Paris, pour déterminer une position commune afin de parvenir « au retour à l’ordre constitutionnel » en RDC.

En clair : chasser le chef de l’Etat d’un fauteuil qu’il ne semble pas vouloir quitter depuis que la Cour constitutionnelle lui a permis d’y demeurer jusqu’à la tenue d’une élection qui, selon toute vraisemblance, ne se tiendra pas en 2017.

Changement de stratégie

À l’issue de trois jours de réunions, du mardi 15 au jeudi 17 août, des représentants d’organisations telles que la Lucha, Filimbi, la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) ou bien encore l’homme d’affaires Sindika Dokolo – époux d’Isabel dos Santos, la fille du président angolais et présidente de la Sonangol, qui vient de former le mouvement « les Congolais debout » – ont annoncé unir leurs actions. « Nous avons fait le constat des échecs successifs de nos actions. Nous changeons maintenant de stratégie », explique Floribert Anzuluni, le coordonnateur de Filimbi, sans vouloir trop en dévoiler.

Luc Nkulula de la Lucha : « L’essentiel est que la population congolaise se lève pour ses intérêts »
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« Nous n’étions pas là pour réfléchir à un putsch mais à l’avenir de notre pays, où les institutions sont tombées dans une totale illégitimité depuis la non-tenue des élections en décembre 2016 », ajoute le professeur André Mbata Mangu, de l’Institut pour la démocratie, la gouvernance, la paix et le développement en Afrique, qui a initié cette rencontre. « Ce sont des citoyens, poursuit-il, pas des leaders politiques, qui se sont réunis pour répondre à l’appel pressant des évêques qui le 23 juin ont dit : le pays va très mal. »

Dans les locaux de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), trop exigus pour accueillir tout ce monde, une trentaine de membres de la société civile congolaise, des « journalistes engagés », ont effectué vendredi le rendu de leurs travaux et signé un « manifeste du citoyen congolais ». Dénonçant « le président sortant [qui] a renié le serment fait devant Dieu et la Nation de respecter la Constitution » et qui « s’impose à la tête de l’Etat par la violence des armes et la corruption financière », ses signataires exigent « le départ de Monsieur Joseph Kabila Kabange et une transition citoyenne dont les animateurs seront désignés à la suite d’une concertation nationale ».

Droit à l’alternance

Une incantation de plus face à un régime qui n’a jamais hésité à faire tirer sur la foule et à emprisonner ses opposants lorsque la protestation se fait trop entendre ? « Déjà, nous avons une occasion historique d’agréger nos forces, rétorque Hervé Diakese, du mouvement Les Congolais debout. Nous allons inviter les gens à mener des actions collectives qui parleront à tout le monde car nous avons tous droit à une alternance. » Le Sénégalais Fadel Barro, du mouvement Y’en a marre – qui avait contribué à la chute d’Abdoulaye Wade en 2012 – observe, conseille ces « petits frères » congolais.

« Notre manifeste est ouvert à tous. Nous irons vers les partis politiques, qu’ils soient de l’opposition ou de la majorité présidentielle, car le retour à l’ordre constitutionnel est une préoccupation de tous les citoyens », veut croire André Mbata Mangu. Carbone Beni, du mouvement Filimbi, est sur ce dernier point moins optimiste : « Nous sommes face à une dictature. Nous nous préparons à toutes sortes de répression mais nous n’avons pas d’autre possibilité que la résistance pacifique en tant qu’opposants. Pas des opposants politiques mais des opposants au système. »

Nouveau venu dans ce type d’action, Sindika Dokolo affirme agir par sens des responsabilités. « J’aurais pu rester les bras croisés, mais il y a un pouvoir qui instrumentalise la violence pour se maintenir, dit-il. Pour la première fois, les Congolais se sont retrouvés non pas autour d’une personne, mais autour de valeurs édictées dans un texte afin de dire stop à M. Kabila. Maintenant, le grand défi sera de soumettre ce document à l’approbation des partis. Même si notre texte s’appelle Esili, qui veut dire “c’est fini”, nous venons tout juste de franchir la ligne de départ. »