Documentaire sur Arte à 22 h 55

British Style - bande-annonce - ARTE

C’est l’enfer ! » annonce Loïc Prigent au début de British Style : « Les Anglais ont les rues les plus déprimantes du monde. Avec du smog [brouillard de pollution] le lundi, du crachin le mardi, Margaret Thatcher le mercredi, des flageolets le jeudi et encore du smog le vendredi. » Pendant les sept premières minutes de son documentaire, le réalisateur se paie gentiment la tête de nos voisins d’outre-Manche en passant en revue, sans la moindre retenue, les clichés les plus éhontés. Le tout en ponctuant son propos – lu de ­sa propre voix d’insolent gandin – d’environ quatre-vingt-dix-sept occur­rences de la question rituelle : « Vous voulez du thé ? »

Mais c’est pour mieux brosser le portrait esthétique du pays, dont le poil ne va pas toujours dans le bon sens, que le documentariste spécialiste de la mode n’y va pas avec le dos de la cuillère. Car la vieille Angleterre, apparemment très comme il faut et bien sous tous rapports, est une terre d’excès, qu’il en aille de l’uniforme aux vertus inclusives ou de la singularité aux accents excentriques.

On parle beaucoup couvre-chef dans British Style : le casque des policiers, les bobbies, « qui donne de l’autorité une fois dépassé le tout premier stade du ridicule », ou les chapeaux de ces dames chics aux courses hippiques d’Aston, « des explosions (…) tellement atroces que cela en devient une forme d’art ». Dans le style de Prigent, cela donne un passage en re­vue pas piqué des hannetons : « Grosse pâquerette chauve, bicorne de ­coquelicots explosés, chou à la crème fondu, abat-jour défoncé, airbag de marguerites, dégueulis de plumes d’autruches, chapeau volé sur une tombe »….

British Style - ARTE

Le recensement des modes qui ont plus ou moins secoué Albion passe par le « Chav », cette racaille qui se coiffe d’une casquette Burberry à petits carreaux, de la « Essex Girl » ou de la « Sloane », toutes deux au rayon BCBG, l’une tendance campagne, l’autre tendance urbaine. Avec, à chaque fois, un descriptif détaillé des accessoires indispensables. Sans oublier les punks, dont « la rébellion devient vite un uniforme comme les autres uniformes : le punk fait peur mais rentre dans la case ». Loïc Prigent ne goûte pas davantage l’uniforme des écoliers, qui les placerait d’emblée sous le joug de la norme et les ferait ressembler à des comptables en herbe…

On aurait pu imaginer des développements plus approfondis vers le cinéma (Derek Jarman, figure excentrique et sublime du cinéma, mort du sida en 1994) ou vers les représentations du dandy (à la manière de l’écrivain et phi­losophe Patrick Mauriès, grand connaisseur des « choses anglaises »). Mais Loïc Prigent reste à la porte de la sphère du vestiaire, qui est son domaine d’excellence. Il ne manque bien sûr pas d’évoquer, en fin de propos, la garde-robe de la Queen, qu’il désigne comme « un Stabilo au milieu de la foule. » Et dont – qui l’eût cru ? – les tenues monochromes et flashy de pied en cap ont elles aussi influencé la mode contemporaine.

British Style est très bien et très vivement réalisé, léger, amusant et frais. Et sûrement tout à fait à sa place dans le cadre de cet été British, labellisé « Summer of Fish’n’Chips », de la chaîne franco-allemande qui, en première partie de soirée, s’offre une programmation digne de TF1 avec Coup de foudre à Notting Hill.

British Style, de Loïc Prigent (Fr., 2017, 52 min).