Le président Nicolas Maduro célèbre l’élection de l’Assemblée consituante, le 31 juillet 2017, à Caracas. / RONALDO SCHEMIDT / AFP

L’éditorial du « Monde » Le coup d’Etat institutionnel mené par Nicolas Maduro, le président vénézuélien, est désormais parachevé. Vendredi 18 août, l’Assemblée constituante, qu’il a fait élire le 30 juillet malgré le boycott de l’opposition et hors de tout cadre ou calendrier institutionnels, s’est arrogé, sans surprise, la plupart des pouvoirs législatifs normalement dévolus au Parlement dominé par ses adversaires politiques depuis leur victoire aux législatives de décembre 2015.

Le Parlement, dominé par l’opposition depuis décembre 2015, se voit privé de la plupart de ses pouvoirs législatifs.

La tentative par la Cour suprême, aux mains des chavistes, de priver le Parlement – et donc l’opposition – de ses pouvoirs a déclenché le vaste mouvement de protestation qui, depuis début avril, a été réprimé dans le sang par les forces de sécurité. Plus de 120 manifestants ont déjà trouvé la mort.

Le processus de destitution du président Maduro lancé au Parlement par l’opposition s’est retourné contre elle : Nicolas Maduro a usé de tous les moyens à sa disposition, y compris la force armée, pour briser la dynamique politique qui menaçait de l’emporter.

Une aggravation de l’insécurité

Le coup de force de la Constituante chaviste est donc l’aboutissement d’une longue crise, mais pas son dernier acte. Si l’héritier d’Hugo Chavez a désormais tous les pouvoirs en main, y compris la justice depuis le limogeage de la procureure générale, une chaviste devenue trop critique, le Venezuela lui a échappé depuis longtemps. Depuis, en fait, que les cours du pétrole ont chuté, en 2015, plongeant les comptes du pays dans le rouge.

Tout au long des années 2000, Hugo Chavez, théoricien d’une « révolution bolivarienne » soutenue par Cuba, a distribué sans compter l’argent du pétrole à sa clientèle électorale. Il a aussi largement rétribué ses généraux, dont certains trempent dans le trafic de drogue international. Pendant ce temps, l’appareil productif est tombé en ruine.

Trop d’intérêts sont en jeu pour que Maduro et l’aile dure du chavisme acceptent une alternance.

Lorsque la manne pétrolière s’est tarie, l’économie du pays, déjà mal en point, a plongé. L’inflation a explosé et les pénuries sont devenues insupportables. Le système de santé s’est effondré. L’insécurité s’est largement amplifiée, faisant de Caracas l’une des métropoles les plus dangereuses du monde.

Alors que des pans entiers des classes populaires, touchées de plein fouet par la crise, ont commencé à se détourner du pouvoir, l’opposition, longtemps revancharde et factieuse, a su s’unir et choisir la voie des urnes. En vain. Trop d’intérêts, semble-t-il, sont en jeu pour que Nicolas Maduro et l’aile dure du chavisme, y compris dans l’armée, acceptent une alternance.

L’exode des Vénézuéliens s’accélère

Le Venezuela, démocratie imparfaite et populiste sous Hugo Chavez, a glissé vers la dictature. Plus de 2 millions de Vénézuéliens ont fui leur pays depuis l’avènement du chavisme. Et l’exode s’accélère.

L’Organisation des Etats américains n’a pas ménagé ses critiques envers le pouvoir à Caracas ; le Mercosur, l’organisation économique sud-américaine, a suspendu le Venezuela. La crise vénézuélienne, cependant, est à présent trop grave pour rester une affaire strictement régionale.

Les Nations unies et l’Union européenne doivent peser et faire pression sur le régime Maduro pour convaincre ceux qui le soutiennent encore qu’il est dans l’impasse. Les Etats-Unis, pour leur part, feraient mieux de s’abstenir de toute démarche unilatérale, telle que la menace de « l’option militaire » récemment brandie par le président Trump, sous peine d’offrir sur un plateau à Nicolas Maduro un nouveau souffle inespéré contre « l’impérialisme yankee ».