Le sujet n’en finit pas de soulever les critiques en Guyane. Pour dénoncer le plus grand projet d’extraction d’or jamais proposé en France, l’opposition a lancé une pétition en mars, qui a déjà récolté 165 800 signatures, et est soutenue par 110 organisations nationales et internationales.

« Il y a cent cinquante ans que la Guyane a eu une histoire d’amour avec l’or, mais il faut que cela cesse. Ce ne sont pas les meilleures orientations économiques pour la Guyane », a expliqué à l’Agence France-Presse (AFP) Nora Stephenson, porte-parole du collectif Or de question. Treize chefs coutumiers de Guyane se sont déclarés contre ce projet industriel inédit, évoqué pour 2022. « Au nom de l’économie, vous êtes prêts à écraser une nouvelle génération », a déploré au début d’août Bénédicte Fdjéké, présidente des chefs coutumiers. « Faire des trous partout, dans le sol qui nous nourrit, c’est une mauvaise chose », a aussi jugé Christophe Pierre, leader du collectif Jeunesse autochtone, lors d’une réunion publique à la fin de juillet.

La raison de leur colère : le projet « Montagne d’or », prévu près de Saint-Laurent-du-Maroni, dans l’Ouest guyanais, et détenu à 55 % par le russe Nordgold et à 45 % par le canadien Columbus gold. Il suscite une telle controverse qu’il n’a pas encore été autorisé par le gouvernement français.

Ampleur économique hors norme

« Montagne d’or » est « hors normes par ses aspects économiques », souligne une « note d’information » interministérielle de février 2016 obtenue par l’AFP, qui prévient également que les « empreintes spatiale et écologique sont de dimensions inconnues en France ».

Selon cette note, les taxes associées à la production minière représenteraient « 80,6 millions d’euros » et celles à l’importation « 325,5 millions d’euros ».

Les industriels, qui prévoient d’extraire « 6,7 tonnes » d’or par an pendant « douze ans », soit une valeur estimée à plus de 3 milliards d’euros, souhaitent un débat public resserré. « Après consultation des élus locaux, tout le monde est pour un débat qui serait guyanais », a affirmé le représentant des industriels, Rock Lefrançois.

Il a saisi la commission nationale de débat public (CNDP) pour lui demander d’organiser un débat local. Au début de juillet, la CNDP a rejeté la demande en l’état, au motif que les coûts initiaux du projet étaient flous et considérant « l’importance considérable des enjeux sociaux, économiques et environnementaux ». La compagnie minière Montagne d’or a annoncé qu’elle organiserait un débat « au cours du quatrième trimestre » avec « le public directement concerné » par le projet.

Impact écologique inquiétant

Mais les opposants craignent pour les conséquences écologiques du projet industriel. S’il était validé par le gouvernement, les miniers creuseraient en pleine forêt tropicale une fosse grande comme trente-deux Stades de France. Les détracteurs du projet s’alarment de la proximité du site avec des massifs à haute biodiversité, dont la plus vaste réserve biologique intégrale de France.

Ils s’inquiètent aussi des déchets qu’engendrerait l’extraction de l’or. Des millions et des millions de mètres cubes de roche devraient être charriés et traités au cyanure pour extraire les 85 précieuses tonnes d’or que Nordgold pense possible de récupérer en quinze ans.

Le déblai entraînerait la création artificielle et permanente de deux dômes de roches de 100 mètres de haut, ainsi que d’un mont endigué de 70 m de haut renfermant, selon les industriels, « 54 millions de tonnes » de boues issues du processus de traitement de la roche avec le cyanure.

Face aux craintes environnementales dans un territoire caractérisé par des retards structurels, notamment en gestion et prévention des pollutions, Rock Lefrançois précise que des « forages […] surveilleront les eaux souterraines pour voir s’il y a des traces ou des niveaux élevés de certains métaux » libérés par la roche à nu ou par les traitements physico-chimiques pour récupérer l’or. « Les forages resteront sur site pendant cinq ans après la fermeture, ensuite il y aura un suivi environnemental sur trente ans », assure-t-il.

« Le drainage minier acide peut durer des centaines d’années, c’est très difficile à maîtriser et ça coûte cher », rétorque Thibault Saint-Aubin, de l’association Ingénieurs sans frontières systèmes extractifs et environnements, soutien d’Or de question. Pour fonctionner, la mine demandera aussi des investissements publics importants (routes, énergie, port, exonérations), dans un territoire où 15 % des foyers du littoral et 30 % des foyers de l’intérieur n’ont pas accès à l’électricité.