Marcellus Williams en février 2014. / AP

C’est une petite victoire et un sursis inespéré pour la défense de Marcellus Williams. Le gouverneur de l’Etat américain du Missouri a institué mardi 22 août une commission d’enquête chargée d’examiner le cas de ce prisonnier noir condamné à mort, quelques heures seulement avant son exécution programmée.

« La peine capitale est le châtiment ultime et permanent. Pour procéder à une mise à mort, la population du Missouri doit avoir pleine confiance dans le jugement de culpabilité », a justifié dans un communiqué Eric Greitens.

Marcellus Williams, 48 ans, avait été reconnu coupable, en août 1998 d’avoir poignardé Felicia Gayle, une femme blanche et ancienne reportrice. Mais M. Williams clame depuis bientôt deux décennies son innocence. Ses avocats, criant à l’erreur judiciaire, avaient lancé ces derniers jours des recours de la dernière chance, y compris devant la Cour suprême à Washington.

43 coups de couteau

Le gouverneur Greitens précisera prochainement qui siégera dans la commission d’enquête, qui sera composée de cinq membres, dont des anciens magistrats. Sa décision de suspendre in extremis l’exécution de M. Williams confirme en tout cas que les arguments avancés par les soutiens du prisonnier méritent d’être examinés.

Ce sursis est en revanche un revers pour les procureurs du Missouri, Etat au cœur du Midwest américain. Selon eux, Williams était entré par effraction au domicile de Felicia Gayle, en banlieue de Saint-Louis, dans l’intention d’y perpétrer un cambriolage. Il aurait alors surpris la femme de 42 ans sortant de sa douche, lui portant 43 coups de couteau.

La police avait affirmé avoir retrouvé dans le coffre d’une voiture, que conduisait à l’époque Marcellus Williams, des effets personnels de la victime, dont une calculatrice et une règle qu’elle utilisait quand elle travaillait au journal Saint-Louis Post-Dispatch. A son procès, en 2001, le suspect avait été condamné sur la base de deux témoignages l’accusant du meurtre, émanant d’un détenu ayant partagé sa cellule et d’une de ses ex-compagnes, Laura Asaro. Pour les défenseurs du condamné, ces témoignages recueillis auprès de personnes au passé trouble n’avaient aucune valeur, d’autant que les deux intéressés avaient été rétribués financièrement par le bureau du procureur.

« Injustice raciale »

Mais le rebondissement surprise mardi a surtout été déclenché par une récente analyse ADN réalisée sur l’arme du crime, qui a permis de développer un profil masculin ne correspondant pas à celui de Marcellus Williams. « Pas une seule preuve matérielle n’a été présentée au procès et aujourd’hui il existe une preuve matérielle qui l’innocente complètement », a déclaré mardi à l’Agence France-Presse Kent Gipson, l’avocat du condamné.

« L’ADN est irréfutable, il ne peut pas se tromper, tandis qu’un témoin oculaire peut se fourvoyer, un indic en prison peut mentir, ce que nous affirmons en l’espèce. Quant aux éléments de preuve indirects, ils peuvent s’expliquer de façon simple ».

Cette nouvelle analyse ADN avait pourtant été balayée par l’Etat du Missouri, qui avait assuré accorder davantage de crédit aux témoignages, une posture jugée « surréaliste » par M. Gipson.

Pour la NAACP, première organisation de défense des Noirs américains, l’affaire Marcellus Williams regroupe « tous les travers » souvent constatés dans les condamnations pénales des Noirs : « L’injustice raciale, les disparités dans la défense et la sentence, les fautes des procureurs. » L’accusé avait été condamné par un jury composé de onze Blancs et un Noir, après que six jurés noirs eurent été écartés lors d’un processus de récusation controversé. Constatant le « manque de preuves solides » contre Williams, Amnesty International avait exhorté le Missouri à ne pas l’exécuter.