Documentaire sur Arte à 20 h 50

Une aventurière en Irak : Gertrude Bell - bande-annonce - ARTE

Tout le monde connaît bien sûr Thomas Edward Lawrence (1888-1935), le mythique Lawrence d’Arabie popularisé par le chef-d’œuvre cinématographique de David Lean sorti en 1963, avec Peter O’Toole dans le rôle principal. Mais personne ou presque ne se souvient d’une femme qui, à ses côtés, travailla pour les services secrets de Sa Majesté et dont la vie fut tout aussi mouvementée.

Conseillère politique, spécialiste des tribus arabes, espionne, exploratrice, archéologue, directrice de musée, Gertrude Bell (1868-1926) aura vécu, au début du XXe siècle, de multiples aventures dans un univers qui n’était pas vraiment accueillant pour les femmes. Et encore moins pour les femmes de pouvoir, ce qu’elle était.

Du Caire à Bagdad, de Téhéran à Damas, sur les photos en noir et blanc que ce documentaire américain révèle, on la voit, seule femme au milieu d’hommes, militaires de haut rang ou responsables politiques occidentaux et arabes. Sur l’une des photos, datant de 1921, on distingue plusieurs personnages à dos de chameau, posant devant les pyramides de Gizeh. Sur la gauche, Winston Churchill. A son côté, Gertrude Bell. A droite, T. E. Lawrence.

Photo non datée de Gertrude Bell, aventurière et espionne britannique, qui a parcouru l'Irak et ses pays limitrophes pour dessiner les frontières. / © GERTRUDE BELL ARCHIVE, NEWCASTLE

Constitué d’archives rares mais aussi de témoignages reconstitués à partir des centaines de lettres écrites par Gertrude Bell à son père, dont les extraits sont lus par Sandrine Bonnaire, ce documentaire constitue une leçon d’histoire qui résonne avec notre époque. Il y est notamment question de nation arabe, d’indépendance, de pétrole, de frontières, de la vie politique à Bagdad, de la question kurde ou des ruines de Palmyre.

Brillante étudiante à Oxford, Gertrude Bell découvre, à 24 ans, un univers qui va changer le cours de sa vie. Envoyée à Téhéran par sa famille, elle s’enflamme : « Ici, dans la poussière et le soleil, s’incarne l’Orient vivant. » Quelques années plus tard, en 1900, elle est à Damas, y rencontre Lawrence et devient rapidement, aux yeux des autorités turques, un personnage à surveiller. « Une atmosphère confuse baigne l’Empire ­ottoman. Je ne serais pas surprise si nous assistions à sa dislocation en Asie au cours de la prochaine ­décennie », estime- t-elle.

Une aide précieuse

Au Caire, en 1915, après avoir bourlingué à Constantinople l’année précédente, elle retrouve Lawrence, qui travaille pour les services secrets britanniques. « Elle en sait plus long sur les Arabes et l’Arabie que tout Anglais ou Anglaise dans ce monde », dit-on d’elle en haut lieu. A juste titre. Elle écrit des livres sur la Syrie, ­traduit des textes consacrés au chiisme, décrypte les relations compliquées entre tribus, collecte des renseignements sur les personnes qui comptent à Bagdad, musulmans mais aussi juifs. Les responsables militaires et politiques britanniques ont besoin de l’aide précieuse de Gertrude Bell.

En 1920, son Livre blanc sur la ­Mésopotamie fait du bruit dans les chancelleries. Elle y traite, ­entre autres, de l’occupation de Mossoul, des relations entre ­Arabes et Kurdes, de l’organisation des systèmes éducatifs ou de santé, des transports.

Lorsque Fayçal monte sur le trône d’Irak, elle devient son bras droit et ouvre, en juin 1926, le ­Musée d’Irak, à Bagdad, pour ­lequel elle s’est longuement battue. « Je suis heureuse du sentiment d’avoir l’amour et la ­confiance de ce pays. Ce n’est peut-être pas le bonheur intime dont j’ai manqué, mais c’est quelque chose de merveilleux », écrit-elle dans l’une de ses dernières lettres.

Une aventurière en Irak, de Zeva Oelbaum et Sabine Krayenbuhl (Etats-Unis, 2016, 87 min).