Entretien avec Hans Janssen, le commissaire de l’exposition consacrée à Piet Mondrian.

L’exposition phare des cent ans du mouvement De Stijl est consacrée à l’un de ses fondateurs, Piet Mondrian. Comment avez-vous montré son cheminement vers l’abstraction ?

Notre musée possède un grand nombre de dessins et de peintures de Mondrian. Pour cette exposition, nous avons sorti des réserves plus de 300 pièces, de ses premiers travaux classiques, paysages et natures mortes inspirés de l’âge d’or, à ses toiles aux motifs géométriques et aux couleurs primaires. L’exposition, qui nous plonge dans les origines de l’art abstrait, est le prélude à une installation permanente composée d’objets, de meubles et d’œuvres emblématiques du mouvement, que nous inaugurerons en octobre.

Piet Mondrian dans son atelier, à Paris, en 1933. / CHARLES KARSTEN/COLLECTION RKD/NETHERLANDS INSTITUTE FOR ART HISTORY

Comment De Stijl est-il passé d’un mouvement d’art néerlandais à un mouvement international et global, intégrant l’architecture et le design ?

Bart van der Leck (1876-1958) a été le premier peintre à créer des abstractions à partir de situations réelles en utilisant des couleurs primaires sur fond blanc. Autour de 1916, il rencontre Piet Mondrian. Ensemble, ils mettent en place un vocabulaire fait de formes géométriques, d’à-plats de couleurs et de lignes horizontales et verticales. Mondrian théorise cette approche en 1917, dans la revue De Stijl (« Le Style »), qu’il crée avec le peintre et architecte Theo van Doesburg. Mais dans sa pratique, Mondrian ne se contente pas de composer des tableaux. Il peint par exemple des rectangles et des carrés sur les murs de son studio parisien, à Montparnasse, que nous avons reconstitué en taille réelle dans l’une des salles du musée. Ce type de travaux constitue un « pont » qui permet de comprendre pourquoi ce mouvement a influencé, et continue d’influencer le design (les célèbres assises Zig-Zag, Rouge-Bleu, Utrecht de Gerrit Rietveld), la mode (la robe Yves Saint Laurent), le graphisme (la pochette de l’album De Stijl, des White Stripes) et, bien sûr, l’architecture.

Où sont situés les bâtiments les plus emblématiques ?

Dans les années 1920, Theo van Doesburg se voit confier la conception du cinéma-discothèque L’Aubette, à Strasbourg. Il casse la forme cubique des halls existants, créant une composition spectaculaire de panneaux colorés positionnés en diagonale. A Alkmaar, au nord d’Amsterdam, le même van Doesburg libère la maison dite « Huis De Lange » de sa structure classique en introduisant des palettes de couleurs vives sur les murs de chaque pièce. Peu après avoir emménagé, les occupants ont tout repeint… Depuis vingt ans, les nouveaux propriétaires travaillent à la restauration de ces couleurs et formes fondatrices.

De Stijl est contemporain du mouvement allemand du Bauhaus qui se caractérise aussi par une appropriation des champs de la création. Où réside la différence entre ces deux écoles ?

L’école De Stijl a touché à tout : au mobilier avec le fauteuil de Gerrit Rietveld, vers 1918. / GEMEENTEMUSEUM DEN HAAG

Contrairement au Bauhaus, De Stijl ne propose pas d’innovations techniques. En outre, ses membres ne s’intéressent pas à la production de masse. Ils ne réalisent que du sur-mesure, ce qui leur dégage du temps pour se consacrer à leurs recherches. Essentiellement tournés vers le sens de la couleur et de la forme, leurs travaux anticipent le style international et le modernisme.

« La découverte de Mondrian », Gemeentemuseum, La Haye. Jusqu’au 24 septembre. www.gemeentemuseum.nl

Et aussi : www.holland.com/fr/tourisme.htm