(FILES) This file photo taken on January 22, 2015 shows ousted Thai prime minister Yingluck Shinawatra looking on after facing impeachment proceedings by the military-stacked National Legislative Assembly (NLA) at the parliament in Bangkok. Yingluck Shinawatra on January 23 condemned a decision by the junta-stacked parliament to impeach her over her administration's controversial rice subsidy scheme as the end of democracy in the kingdom. AFP PHOTO / FILES / PORNCHAI KITTIWONGSAKUL / PORNCHAI KITTIWONGSAKUL / AFP

Coup de théâtre au procès de l’ex-première ministre thaïlandaise Yingluck Shinawatra, déposée par l’armée en mai 2014 : risquant dix ans de prison, elle ne s’est pas présentée vendredi 25 août à son verdict et un mandat d’arrêt a été lancé contre elle.

« Son avocat dit qu’elle est malade et demande de repousser le verdict... Le tribunal ne croit pas qu’elle est malade... et a décidé d’émettre un mandat d’arrêt », a déclaré le juge Cheep Chulamon devant la presse venue en nombre assister à ce verdict sous haute tension à la Cour suprême.

Dans un premier temps, aucune information n’était disponible quant à l’endroit où se trouvait Yingluck Shinawatra, âgée de 50 ans et mère d’un adolescent. Elle a toujours dit qu’elle ne fuirait pas le pays comme l’a fait son frère Thaksin, ex-premier ministre lui aussi, qui a pris la route de l’exil en 2008 après avoir été condamné à deux ans de prison pour corruption. Un procès qu’il dénonçait lui aussi déjà à l’époque comme politique.

A l’extérieur de la Cour suprême, où l’attendaient des milliers de ses partisans – et plus de 4 000 membres des forces de l’ordre –, la confusion régnait vendredi matin. Peu après que la rumeur de l’absence de Yingluck, deux camions remplis de militaires sont passés à côté de la foule, sous les huées. « Sois combative, le crabe! » (« boo su su » en thaï), chantaient encore peu avant ces partisans, utilisant le surnom affectueux donné à Yingluck.

Un procès « politique »

Tout au long des 18 mois de son procès, des centaines de manifestants se sont rassemblés devant le tribunal pour offrir à Yingluck des fleurs, mais vendredi l’ambiance était plus sombre. Car celle dont le gouvernement a été renversé par un coup d’Etat militaire en mai 2014 risque gros : dix ans de prison ferme si elle est reconnue coupable de négligence dans la gestion d’un programme de subvention aux riziculteurs par son gouvernement.

Début août, elle a dénoncé un procès « politique » mené par la junte, accusée de vouloir nettoyer la scène politique de l’influence des Shinawatra, qui remportent tous les scrutins nationaux depuis 2001.

Parmi la foule de ses partisans, tous en sont convaincus et sont venus crier leur indignation. « Yingluck n’est coupable de rien ! », s’exclame Nan, 62 ans, venue manifester devant la cour suprême malgré le fort déploiement policier.

« Nous voulons que la justice soit respectée », ajoute-t-elle, dénonçant le clivage au sein de la société thaïlandaise entre les partisans des Shinawatra, riziculteurs et pauvres pour la plupart, et les élites de la capitale dont les généraux ayant pris le pouvoir. « Les pauvres sont la majorité. Les riches ne sont que quelques familles et des groupes de Bangkok. Nous sommes la majorité », ajoute-t-elle.

« Chemises rouges » contre « chemises jaunes »

Ce procès a en effet une forte dimension symbolique, dans ce pays profondément divisé entre pro et anti-Shinawatra, « chemises rouges » contre « chemises jaunes », pour reprendre les codes de couleur utilisés par les deux camps. Au cœur du procès : Yingluck s’est vu reprocher le fait que son gouvernement achetait le riz aux riziculteurs, vivier électoral des Shinawatra, à un prix supérieur à celui du marché.

Tout au long de son procès, cette héritière d’une riche famille du nord du pays a défendu ce programme comme une aide nécessaire pour soutenir les riziculteurs pauvres, qui reçoivent historiquement peu d’aide du gouvernement.

La plupart des analystes spéculaient ces derniers jours sur le fait que la justice, non indépendante en Thaïlande, ne prendrait pas le risque d’une peine de prison ferme, qui donnerait à Yingluck le statut de victime. Mais la disparition de Yingluck pourrait changer la donne.