Roselyne Bachelot avait inauguré la pratique en 2012. Comme l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, qui avait commencé une carrière sur la chaîne C8, plusieurs personnalités politiques privées de mandats investissent les médias à la rentrée. Les derniers en date, Aurélie Filippetti, ministre de la culture sous François Hollande, et Gaspard Gantzer, ancien conseiller en communication de François Hollande, ont annoncé vendredi 25 août qu’ils rejoignaient les polémistes de l’émission « On refait le monde » sur RTL. En tout, une dizaine de personnalités politiques ont déjà annoncé leur reconversion.

A gauche comme à droite

A gauche, des laissés-pour-compte de la débâcle socialiste. Thierry Mandon, ancien secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur de François Hollande, est ainsi devenu directeur général d’un hebdomadaire d’actualité généraliste, lancé par les revues XXI et 6 Mois.

De même, Julien Dray, un des porte-parole de la nouvelle direction du Parti socialiste, apparaîtra sur LCI dans une émission politique hebdomadaire. « Je ne suis pas chroniqueur, je suis un élément du débat politique », avait-il précisé sur Europe 1, insistant sur le fait qu’il ne serait pas rémunéré.

Mais les socialistes ne sont pas les seuls concernés. La porte-parole de La France insoumise, Raquel Garrido, tiendra une chronique hebdomadaire dans l’émission de Thierry Ardisson « Les Terriens du dimanche », diffusé sur C8. « Je serai libre de dire ce que je veux », a-t-elle promis sur RMC. Mais cette collaboration d’une des figures du mouvement de Jean-Luc Mélenchon avec le groupe de Vincent Bolloré suscite les sarcasmes depuis le début de l’été.

A droite, plusieurs figures des Républicains investissent aussi les ondes. Au-delà de Jean-Pierre Raffarin, ancien premier ministre de Jacques Chirac, qui interviendra sur France 2, Henri Guaino, ex-conseiller de Nicolas Sarkozy et ancien député LR des Yvelines, battu sèchement en juin dernier à Paris, s’est lui aussi tourné vers les médias.

Il tiendra un éditorial quotidien dans la matinale de Sud Radio. « Je ne veux plus être dans le désordre, dans les ambitions et les arrangements de la vie publique. Cet édito ne m’empêchera pas de prendre de la distance par rapport à la politique », a-t-il assuré.

« Ce sera intéressant d’avoir un éclairage différent. Ce personnage atypique a désormais une parole libre et aura des approches inattendues », abonde Christophe Bordet, le rédacteur en chef de Sud Radio.

Un avantage « pour les deux camps »

Ce passage de la politique au monde médiatique, « c’est avantageux pour les deux camps », observe Nicolas Hubé, maître de conférences en sciences politiques à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, spécialiste de la communication politique. « D’une part, pour les médias, car les politiques savent parler en trente secondes et faire le buzz. D’autre part, pour les politiques, car ils gardent un capital de notoriété et ne disparaissent pas de la scène médiatique. »

Pour Philippe Riutort, sociologue et spécialiste des médias et des politiques, les motivations sont différentes, selon les cas. « Henri Guaino est dans un élan déclinant, il gère sa retraite politique. Son édito est une activité comme une autre. Alors que Raquel Garrido, c’est l’inverse, elle utilise les médias pour se créer une notoriété. » Clémentine Autain, nouvelle députée LFI, s’était ainsi fait connaître en devenant chroniqueuse sur France 2 en 2012.

Sans compter que ces personnalités politiques « avaient un rôle au sein de leurs partis de sniper dans les médias. Ce sont des habitués qui sont très efficaces pour d’éventuelles reprises » dans d’autres médias, relève encore Nicolas Hubé.

Mais le phénomène n’est pas nouveau, rappelle Philippe Riutort. Pour le sociologue, c’est le magazine Paris Match qui a lancé cette pratique. « L’hebdomadaire avait proposé il y a une quinzaine d’années à Valéry Giscard d’Estaing d’écrire des chroniques », détaille-t-il. « A l’époque, cela avait détonné, maintenant c’est normal, surtout en presse écrite. »