La première ministre polonaise, Beata Szydlo, le 24 août à Varsovie. / AGENCJA GAZETA / REUTERS

A Varsovie, les déclarations du président français sur « l’isolement » de la Pologne en Europe ont été accueillies avec la plus grande défiance par le gouvernement ultraconservateur du PiS (Droit et justice). Depuis le début des controverses autour de la directive sur les travailleurs détachés, les officiels polonais accusent régulièrement la France de vouloir promouvoir des pratiques « protectionnistes », remettant en cause les quatre libertés du Marché commun, considérées comme « sacrées » en Pologne : la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux.

La Pologne, premier pays fournisseur de travailleurs détachés en Europe, n’a pas non plus apprécié la formule d’Emmanuel Macron critiquant, le 21 juin, ceux qui voient dans l’Europe un « supermarché », c’est-à-dire les pays d’Europe centrale qui voudraient avoir les avantages de l’UE sans s’encombrer de la solidarité, notamment sur l’accueil des réfugiés. De nombreux commentateurs n’ont d’ailleurs pas manqué de souligner que l’argent gagné par les travailleurs détachés dopait les profits des grandes surfaces françaises, très implantées en Pologne.

Attaques ad hominem

Les attaques ad hominem de M. Macron contre la première ministre polonaise, Beata Szydlo, vendredi à Varna, ont conduit à une véritable escalade verbale, vendredi 25 août. « Peut-être ces déclarations arrogantes sont-elles dues à son manque d’expérience et de pratique politique, ce que j’observe avec compréhension, mais j’attends qu’il rattrape rapidement ces lacunes et qu’il soit à l’avenir plus réservé », lui a répondu Mme Szydlo, appelant M. Macron à « rester plus conciliant et à ne pas briser l’UE ».

« Je conseille à M. le président de s’occuper des affaires de son pays, il réussira alors peut-être à avoir les mêmes résultats économiques et le même niveau de sécurité de ses citoyens que ceux garantis par la Pologne », a-t-elle ajouté. Pour le gouvernement conservateur, historiquement réticent au leadership franco-allemand en Europe, l’« égalité » entre les membres de l’Union est une question de principe : « Ce n’est ni le président de la France ni aucun autre dirigeant qui décidera personnellement de l’avenir de l’Europe, mais l’ensemble des membres de la communauté. (…) Nous avons les mêmes droits que la France, que les autres pays membres », a conclu Mme Szydlo.

Une adresse autant destinée au président français qu’à l’opinion intérieure polonaise, très majoritairement pro-européenne et effrayée par la montée des tensions entre Varsovie et Bruxelles sur la question de l’Etat de droit. La Commission européenne a lancé, en juillet, un ultimatum d’un mois au gouvernement polonais, lui enjoignant de revoir sa réforme de la justice, qui la met sous tutelle de l’exécutif et du législatif, sous peine de déclencher l’article 7. Une mesure sans précédent qui reviendrait à suspendre la Pologne de sa participation à l’UE.