Conor McGregor, le 26 août à Las Vegas. / STEVE MARCUS / REUTERS

C’est beau une ville le matin. C’est étonnant, aussi. Il fallait les voir, tous ces Dublinois, à potron-minet. Souvent en groupe, rarement très frais, tous sortaient du même rendez-vous. 6 heures du matin, heure locale. Leur champion a perdu le match, et eux, une partie de leurs cordes vocales. De nombreux Dublinois ont suivi en direct, dans la nuit de samedi 26 à dimanche 27 août, la défaite de Conor McGregor face à l’Américain Floyd Mayweather.

Déjà des jours et des jours que la presse irlandaise faisait du combat de boxe un élément central de ses « unes ». Déjà des jours et des jours que les publicités des bookmakers passaient à la radio pour le « combat du siècle », comme l’appelaient ses promoteurs qui oubliaient peut-être que l’appellation racoleuse avait déjà servi pour un précédent combat de Mayweather contre Manny Pacquio… il y a deux ans.

Une boîte transformée en stade

Alors forcément, le moment venu, ça s’est bousculé à l’entrée du « SIN Nightclub ». Le reste de l’année, la boîte de nuit fait danser les noceurs sur fond de musique électroniques. Samedi soir, elle s’est transformée en stade de boxe, le ring en moins. A l’entrée, des vigiles avec brassards écartent les retardataires avec un tact qui leur appartient : il fallait réserver sa place assez tôt dans la soirée pour obtenir le bracelet permettant des allées et venues entre l’intérieur et l’extérieur. Compter 10 euros par personne.

Une adresse à retenir : c’était l’une des seules à proposer ce soir à rester ouvertes aussi tard pour proposer le match, diffusé en direct sur SkySports. Les pubs et les bars alentour n’étant pas autorisés à veiller aussi tard que la boîte de nuit. Autre solution de repli envisageable : certains hôtels qui organisaient des retransmissions pour les clients ayant réservé assez à l’avance. « J’ai un bon plan », glisse un serveur dans l’après-midi au visiteur en détresse. Trop tard : réservations déjà complètes.

Côté extérieur, la soirée est douce, et les rues de Temple Bar fort peuplées : touristique, le quartier a une réputation à honorer. Côté intérieur, de plus en plus de bruit. Avant même le début du combat, un gros plan sur McGregor en costume trois-pièce et c’est toute la salle qui se répand en hourras. Avec quelques variantes : notamment celle qui consiste à prononcer le prénom et nom de l’Irlandais sur l’air disco de « Freed from desire », ce morceau de Gala qui avait déjà résonné d’un air entêtant pendant l’Euro 2016 de football en France, appliqué au Nord-Irlandais Will Grigg.

Dans les rues de Temple Bar, à Dublin. / Le Monde

L’hymne irlandais repris en chœur

Dans la salle, peu de personnes ont encore temps de tenir un verre en main. Les mains sont occupées à applaudir ou à filmer la scène avec son téléphone portable. Voire à essayer de tout faire en même temps. Moment fort : l’hymne irlandais interprété à des milliers de kilomètres de là, aux Etats-Unis, et repris en chœur comme en ferveur. Gregor McConor apparaît à l’écran, torse nu et drapeau national sur les épaules. A Dublin, ses fidèles restent habillés, mais certains ont eux aussi arboré la bannière verte-blanche-orange.

D’autres ont aussi fait des efforts vestimentaires. L’un d’eux a sorti son tee-shirt citation. Sur son torse, cette phrase de McGregor : « I’d like to apologise… to absolutely nobody » (« Je voudrais m’excuser auprès… d’absolument personne »). Ici, on goûte autant le patriotisme du sportif que ses rodomontades, ses phrases à l’emporte-pièce qui contreviennent aux règles les plus élémentaires de la bienséance.

Autre exemple : un autre a revêtu le costume « Fuck you » (« Enc… » que portait McGregor lors de sa première confrontation avec Mayweather pour annoncer le combat. De loin, impossible de lire avec précision le message, répété en petits caractères sur l’ensemble du costume. De près, la vulgarité apparaît à qui prend la peine de la lire.

La tenue tranche avec celles aperçues en centre-ville : des messieurs en costume et des femmes en robe à froufrou pour aller apprécier une représentation de Gatsby Le Magnifique ; ou encore, des supporteurs aux couleurs de leurs clubs de football gaélique pour les matchs du week-end.

Une défaite vite oubliée

« Ca y est ! ça y est ! » Adossé au comptoir, un voisin a tout dit. Le combat commence. McConor part bien. Depuis son Irlande natale, des « vas-y ! vas-y ! » accompagnent ses attaques. Ils se feront de plus en plus espacées, à mesure que Floyd Mayweather reprendra de l’assurance, sous les huées irlandaises dès lors qu’une caméra s’attarde sur lui. Au point d’infliger un K-O technique à l’Irlandais au dixième round de la soirée.

Applaudissements au « SIN Nightclub » : la défaite est oubliée. Leur champion reste et restera McGregor. L’enfant de Crumlin, quartier populaire de la ville. L’ancien plombier devenu riche à millions par sa maîtrise du MMA, pour mixed martial arts (arts martiaux mixtes). Ce soir, l’Irlandais disputait seulement son premier combat professionnel.

Le seul fait d’y participer lui a octroyé 100 millions de dollars. Somme inouïe, improbable pour cet Irlandais qui souffrait encore il y a quelques années de la récession frappant tout le pays. Dans la salle, on a apparemment oublié d’y penser.