L’ex-president angolais José Eduardo dos Santos (à gauche) et son successeur Joao Lourenco, à Luanda le 19 août. / MARCO LONGARI / AFP

Editorial du « Monde ». A première vue, c’est le scénario politique rêvé sur un continent, l’Afrique, à la gouvernance notoirement troublée : un autocrate qui quitte volontairement le pouvoir au terme de trente-huit ans de règne, un successeur installé avec une majorité confortable (65 % des voix) sans être outrancière, une campagne électorale ouverte, du moins en apparence, à l’opposition, un pays reconstruit grâce à la manne pétrolière après des décennies de guerre civile.

C’est l’image que le président sortant, José Eduardo dos Santos, aimerait que l’on retienne de l’Angola qu’il lègue à son successeur désigné, Joao Lourenço, un général à la retraite formé en Union soviétique, à l’issue des élections du 23 août. La réalité, malheureusement, est moins convaincante.

S’il a décidé de se retirer à 74 ans pour raisons de santé, M. dos Santos ne disparaît pas pour autant du paysage politique. Il garde la présidence du tout-puissant Mouvement populaire pour la libération de l’Angola, le parti-Etat qui distribue la richesse et les postes, dans le secteur public comme dans le secteur privé. Il conserve la haute main sur l’appareil sécuritaire, grâce à une loi adoptée avant son départ empêchant son successeur de remplacer les dirigeants des organes de sécurité nommés pour huit ans. Et surtout, il reste influent dans les secteurs-clés de l’économie contrôlés par ses enfants, notamment sa fille, et ses proches.

Le principal défi auquel va être confronté son successeur est, précisément, celui de l’économie. Après avoir bénéficié de la hausse providentielle des cours du brut au moment où le pays sortait de la guerre, l’Angola, deuxième producteur de pétrole africain derrière le Nigeria, a pâti de la chute tout aussi vertigineuse de ses prix. La croissance du PIB, qui a atteint 23 % dans les années 2000, dépasse péniblement 1 % aujourd’hui.

Un cas d’école

La spectaculaire ascension de Luanda, la capitale, où les Chinois ont fait sortir de terre gratte-ciel et autoroutes à une vitesse impressionnante, a tout du mirage. Le deal « infrastructures contre pétrole » ayant perdu son lustre, les Chinois rentrent chez eux, aussi peu soucieux de leur héritage que les Cubains qui occupaient l’Angola pendant la guerre froide. Quant à la diversification de l’économie, elle est restée au stade de l’utopie. A ceux qui cherchent une illustration de la malédiction du pétrole, l’Angola fournit un cas d’école.

Les pétrodollars ont essentiellement profité au clan proche du pouvoir, enrichi par la corruption. La population, elle, est restée spectatrice de l’expansion, depuis les immenses bidonvilles qui bordent les villes : 70 % des Angolais vivent en dessous du seuil de pauvreté. Encore contenu, le mécontentement populaire s’est cependant exprimé pendant la campagne électorale ; si le nouveau chef de l’Etat angolais ne parvient pas à faire redémarrer l’économie, l’explosion sociale face aux inégalités et à l’indigence des services publics pourrait bien constituer son second défi.

Enfin, l’Angola ne peut oublier que son grand voisin, la République démocratique du Congo, est en train de sombrer dans le chaos. La violence du conflit dans les provinces du Kasaï s’est déjà traduite par l’afflux de 30 000 réfugiés dans le nord de l’Angola. Les Occidentaux attendent de Luanda, puissance régionale, qu’il contribue à la solution de cette crise. Homme de la continuité sans avoir le charisme de son prédécesseur, Joao Laurençou hérite aussi de la face cachée du boom angolais.