Des combattants de la Mobilisation populaire avec le drapeau irakien, à Tal Afar, le 27 août 2017. / AHMAD AL-RUBAYE / AFP

Les jours de l’organisation Etat islamique (EI) sont comptés dans la province irakienne de Ninive, qu’elle avait en grande partie conquise à l’été 2014. Au terme d’une offensive commencée le 19 août, les forces gouvernementales irakiennes, accompagnées des milices à majorité chiite de la Mobilisation populaire, ont repris ce week-end aux djihadistes leur ultime bastion dans la province, la ville de Tal Afar, à 70 km à l’ouest de Mossoul, d’où les forces de Bagdad avaient chassé les djihadistes début juillet après une bataille de neuf mois.

Samedi 26 août, les forces irakiennes avaient annoncé avoir repris le centre-ville de Tal Afar au terme d’une avancée rapide, ne rencontrant que « quelques poches de résistance », l’EI n’ayant opposé qu’une résistance symbolique. Sur le terrain, les forces gouvernementales continuaient, lundi, de combattre à Al-Ayadiya, un secteur encore sous le contrôle de l’EI, au nord-ouest de la ville, et situé sur la dernière route que peuvent emprunter les djihadistes pour fuir vers la Syrie voisine. Le premier ministre, Haïder Al-Abadi, attendrait la chute de cette localité pour proclamer sur place « une victoire définitive » de Bagdad dans la province de Ninive.

Tal Afar et ses environs, encerclés depuis novembre 2016 et en partie désertés depuis le début de l’année, abriteraient encore plus de 10 000 personnes, contre environ 200 000 à l’été 2014, selon la coalition internationale. Cette dernière avait estimé à près de 2 000 les combattants de l’EI retranchés parmi ces civils. Un nombre qui semble avoir été largement surestimé : l’armée irakienne avait annoncé samedi soir avoir « éliminé » 250 djihadistes depuis le début de l’offensive dans la ville et ses abords, laissant deviner que le gros des forces de l’EI avait renoncé à livrer bataille et avait fui.

Le mouvement djihadiste poursuit sa mue

Selon l’analyste et chercheur irakien Hicham Al-Hachimi, qui s’appuie sur des sources sécuritaires, 89 combattants de l’organisation, dont douze russophones et cinq francophones se seraient rendus aux peshmergas kurdes, dimanche, au nord de Tal Afar. Ce printemps, des sources militaires françaises suspectaient déjà la présence dans la ville de djihadistes francophones et de leurs familles qui s’étaient repliés de Mossoul alors que la bataille dans l’ancienne « capitale » du « califat » touchait à sa fin.

Ville étape sur la route de la Syrie, la ville de Tal Afar, à majorité turkmène dans une région majoritairement arabe, a donné à l’EI certains de ses cadres les plus influents tels que Fadel Ahmed Abdullah Al-Hiyali, ancien officier du renseignement militaire irakien donné pour mort en 2014 et chargé de superviser la gouvernance des territoires irakiens de l’EI, ou encore Abou Ali Al-Anbari, ex-numéro 2 de l’organisation, tué en 2016. A l’instar de ces figures, une cohorte de cadres et de combattants originaires de Tal Afar s’était établie à Mossoul à partir de l’été 2014.

Importante, la perte de Tal Afar ne signifie pas pour autant la fin du pouvoir de nuisance de l’EI en Irak. Le mouvement djihadiste poursuit, en effet, sa mue en réseau clandestin et terroriste : les attaques se multiplient dans la province de l’Anbar, dans l’ouest du pays, où la chute du « califat » a laissé de profondes divisions entre ceux ayant collaboré avec l’EI et ceux l’ayant combattu. Dimanche, onze personnes ont encore été tuées dans un attentat à la voiture piégée sur un marché de la capitale, Bagdad.

Le Monde