Et si nous pouvions lire sur internet des contenus hors ligne ? / Flickr CC by 2.0

Avec la généralisation des outils numériques et la multiplication des écrans dans notre vie quotidienne, la « déconnexion » devient l’objet d’un débat de société, voire une question de santé publique. Se déconnecter, tout le monde en parle, mais qui y parvient réellement ?

Même en admettant que vous jouissiez pleinement de votre « droit à la déconnexion », qui vous autorise à ne pas être sollicité en dehors de vos heures de travail, lorsque vous êtes en ligne, votre attention continue à être captée par des stimuli extérieurs.

Cette captation permanente de l’attention a donné l’idée à un développeur américain, Chris Bolin, de publier un manifeste pour la déconnexion. Sa particularité : il faut se déconnecter d’Internet pour pouvoir le lire.

« Vous voulez être productif ? Déconnectez-vous »

Une fois passé en mode avion, on découvre un plaidoyer pour l’invention d’un mode « hors ligne ». « Vous voulez être productif ? Déconnectez-vous, car maintenir un lien permanent à Internet, c’est maintenir un lien avec des sources de distraction, internes et externes », explique Chris Bolin.

Il y a donc d’une part les distractions venant des autres (notifications d’interaction sur les réseaux, e-mails, messageries instantanées diverses) et les distractions « internes », qui sont, selon Chris Bolin, « les plus pernicieuses ». Celles qui font que l’on se perd soi-même, sautant d’un article à l’autre au gré des liens, emportés par notre propre curiosité dans les méandres du Web.

Face à ce problème, Chris Bolin a une solution, dont le manifeste constitue une expérimentation : et si les contenus n’étaient disponibles que hors ligne ?

« Et si les lecteurs avaient accès à cette incroyable concentration qui permet de faire des choses plaisantes, comme de dévorer un roman sans s’arrêter ? »

Sur la page elle-même, aucun lien ni image qui vous invite à vous rendre ailleurs avant d’avoir fini le texte.

Se déconnecter sans se couper du numérique

Chris Bolin ne vous suggère pas d’arrêter d’utiliser Internet et les supports numériques qui en permettent l’accès, « des outils de création extraordinaires », « si seulement nous pouvions canaliser notre propre attention » pour nous en servir de manière efficace. On serait tenté d’ajouter qu’Internet lui-même est la plus grande bibliothèque du monde, une source d’informations et de documents sans équivalent dans l’ère prédigitale.

Simplement, pour faire bon usage cette source inépuisable de connaissances, il faudrait que l’on puisse y passer des heures sans être dérangé.

Pour Chris Bolin, le recours à Internet « pour le travail » n’est pas un argument tenable. « Faites vos recherches en ligne, créez hors ligne, martèle-t-il. Je parie que ce n’est pas Google qui vous rend compétent, mais plutôt votre capacité à synthétiser de l’information. »

Rendre des contenus accessibles exclusivement hors ligne pourrait en outre pousser les créateurs à penser différemment. Chris Bolin explique à Rue 89 :

« Le monde exclusivement hors ligne pourrait être différent. Les liens ne fonctionnent pas, vous avez toute l’attention des lecteurs. »

La question reste cependant celle de la rentabilité d’un tel système, dans un marché de « l’attention », où c’est le temps des consommateurs que l’on monnaie, dans des contenus et applications en apparence gratuits permettant de les exposer à la publicité.

Rassurons-nous, il existe déjà des solutions pour se déconnecter tout en continuant à utiliser ses outils numériques. Des applications aux noms évocateurs comme « Chrome Nanny », « Freedom », « Antisocial » ou encore « Selfcontrol » contrôlent l’accès aux réseaux sociaux ou tout simplement à Internet. Et le Web regorge de conseils pour travailler efficacement sans se laisser devancer par l’urgence de vérifier son fil Instagram.

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