Dans les rues de Houston, le 28 août. / LM Otero / AP

La quatrième ville des Etats-Unis – Houston – sous les eaux, au moins trois morts causées par la tempête et les inondations, et 12 000 soldats de la garde républicaine mobilisés : l’ouragan Harvey dévaste le Texas depuis qu’il a touché terre en quittant le golfe du Mexique, samedi 26 août. Prévisionniste à Météo France, Olivier Proust décrit cet épisode hors normes et juge que le réchauffement climatique joue le rôle d’« additif » à la puissance des tempêtes.

Comment expliquez-vous que l’ouragan Harvey soit positionné sur la côte texane et semble ne guère bouger ?

Un ouragan se développe au-dessus des eaux chaudes des mers tropicales et se dirige la plupart du temps selon une direction donnée par les vents, en général dans les flux d’est des alizés. Un cyclone, qui mesure quelque 1 000 kilomètres de diamètre en moyenne, progresse et se dirige selon son environnement météo, c’est-à dire la distribution des vents, les températures et les pressions à une plus large échelle. Par exemple, les courants-jets d’altitude influent sur le cours du cyclone.

Harvey, qui évolue vers l’ouest comme la plupart des cyclones classiques, est né à la mi-août d’une onde tropicale en Afrique de l’Ouest, et nous avons suivi son évolution depuis le début. Cette onde s’est propagée – elle ne s’est pas vraiment renforcée – en traversant l’Atlantique pour arriver sur le sud de l’arc antillais, puis a longé les côtes vénézuéliennes, devenant tempête tropicale. Arrivée sur le golfe du Mexique, celle-ci s’est brusquement intensifiée au-dessus des eaux chaudes, avec un environnement météorologique propice, notamment un faible cisaillement, c’est-à-dire une faible variation de la force des vents et de leur direction avec l’altitude.

La tempête Harvey plonge le Texas sous les eaux
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Concrètement, qu’est ce qui empêche la progression de l’ouragan ?

L’explication d’un phénomène de cette ampleur inédite reste évidemment à compléter. Mais on peut déjà retenir que Harvey, qui est arrivé sur les côtes texanes en « ouragan majeur », avec donc déjà des phénomènes intenses, s’est retrouvé bloqué par une vaste barrière anticyclonique positionnée sur l’ouest du continent, qui agit comme une muraille, avec des vents très faibles tant en basse couche qu’en altitude.

Bien que revenu au stade de tempête tropicale après son « atterrissage », Harvey s’est quasiment immobilisé par ce manque de vents à grande échelle, tout en restant alimenté par les eaux du golfe du Mexique, ce qui explique les précipitations intenses et continues : il a un carburant, les eaux chaudes du golfe, mais, sans courant pour le diriger, il stagne et déverse ses trombes d’eau.

N’est-il pas paradoxal de voir un ouragan, avec ses précipitations et ses vents violents, immobilisé par manque de vents ?

Cela peut apparaître comme un paradoxe, mais c’est une question d’échelle : il faut distinguer le phénomène cyclonique, qui produit des vents extrêmement violents, et l’environnement à plus grande échelle qui conduit le cyclone. Dans le cas d’Harvey, pour faire simple, aucun courant directeur ne le commande et il reste sur les côtes texanes.

Cela peut-il durer encore longtemps ?

La situation générale de cet environnement météorologique du cyclone, redevenu tempête tropicale, va changer dans les prochains jours. Harvey va repartir vers le nord-est, vers la basse vallée du Mississipi touchant la Louisiane et, dans une moindre mesure, l’Oklahoma.

Cette situation est-elle exceptionnelle ou a-t-on déjà constaté un tel phénomène de stagnation ?

En 2001, par exemple, la tempête tropicale Allison est elle aussi arrivée sur le Texas où elle a stagné, avant de remonter vers le nord puis de redescendre à nouveau. Mais, comme elle était à l’intérieur des terres, Allison s’est retrouvée « affamée », ne pouvant s’alimenter au-dessus des eaux chaudes du golfe du Mexique. Cette tempête Allison, en raison de sa trajectoire ondulante, est un évènement majeur au Texas, particulièrement dévastateur par rapport à l’intensité du phénomène en soi. Mais la situation avec Harvey est réellement inédite, par l’intensité et les cumuls de pluie dans la durée du fait de cette alimentation continuelle.

Existe-t-il, selon vous, un lien direct avec le réchauffement climatique ?

Le lien avec le réchauffement climatique n’est pas directement fait à l’occasion de cette tempête. En revanche, s’il ne faut pas forcément s’attendre à davantage de phénomènes cycloniques dans le futur, les cyclones devraient être potentiellement plus puissants, notamment au niveau des précipitations. Avec le réchauffement, c’est un peu comme si on ajoutait un additif dans le carburant : cela accélère et amplifie les phénomènes.